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Cameroun : Un air de renationalisation flotte sur le port de Douala

Le Port Autonome de Douala (PAD) reprend progressivement les activités auparavant gérées par des groupes étrangers. Dragage, voiries, sécurité, gestion des terminaux à conteneurs… En mouvement, Cyrus Ngo’o, le patron de l’autorité portuaire.

L’éviction du consortium Bolloré-Maersk du terminal à conteneurs, en décembre 2020, et les procès en cours, très médiatisés, peuvent faire de cette disqualification des opérateurs étrangers un événement ponctuel.

Pourtant, c’est bel et bien un raz-de-marée nationaliste qui déferle sur le complexe portuaire de la capitale économique camerounaise il y a cinq ans depuis l’arrivée de Cyrus Ngo’o à la tête du port autonome de Douala (PAD). En octobre 2020, plein d’obstination, cet administrateur civil de la formation n’a pas hésité à déclarer le retour de la « souveraineté de l’Etat du Cameroun sur la principale voie d’accès aux biens et marchandises en provenance du pays ».

Nouveaux conseils et sociétés

Sous son impulsion, une partie des activités des entreprises étrangères – dans la lignée de la réforme portuaire de 1998 qui a, entre autres, sanctionné la privatisation des activités – est désormais gérée par des entreprises locales. Certains d’entre eux sont également supervisés par les autorités portuaires. « Comme autrefois, où ? certaines activités étaient même gérées directement par l’ancien Office national des sports du Cameroun [ONPC]ancêtre du PAD », rappelle Lin Onana Ndoh, le directeur général en charge des navires de remorquage et de sauvetage, entrés en service début 2021 pour remplacer le Boluda français.

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Depuis deux ans, l’Autorité Déléguée assure également la gestion du terminal à conteneurs, précédemment sous la responsabilité de Douala International Terminal (DIT, filiale du français Bolloré Transport & Logistics et du néerlandais APM Terminals), à travers la Régie du terminal à conteneurs (RTC). Elle assure également la reprise des activités de dragage jusqu’alors exercées par China Harbour Engineering Company (CHEC), ainsi que la sécurité et la sûreté, pour lesquelles une nouvelle entité a été créée : Douala Port Security (DPS). Cette reprise en main a bénéficié du soutien financier d’Afriland First Bank, qui a mis des lignes d’avance à la disposition des autorités portuaires avant le démarrage de leurs activités.

Autre mécanisme utilisé : la concession. C’est le cas des lamanages, dont l’accord a été signé l’an dernier avec Fako Ship, l’une des entités du groupe familial fondé par Charles Namme Menyoli et implanté à Buea, dans la région du Sud-Ouest. Il a permis la création de Douala Mooring Company (DMC), société de projet chargée de l’activité. Seule exception à la règle, la concession pour la gestion du parc à bois, conclue avant l’arrivée de Cyrus Ngo’o, reste au groupe Bolloré.

Contrer le chantage des multinationales

Des partenariats public-privé, y compris avec des opérateurs étrangers, ne sont pas à exclure. Par exemple, le turc Erdem va investir 15 milliards de francs CFA [22,87 millions d’euros] construire 13 entrepôts dans les mois à venir, avec un financement d’Afriland First Bank. Erdem a déjà créé la Port Stores Management Company (SGMP) pour assurer son fonctionnement le moment venu.

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Certains métiers ont longtemps été laissés à des opérateurs étrangers disposant des outils nécessaires, comme la sécurité – désormais confiée à DPS – ou la pesée des marchandises entrant ou sortant de l’enceinte portuaire. Cette tâche a été confiée à Douala Port Weighing Services (DPWS), qui a signé il y a deux ans un accord d’exploitation de 20 ans. « Depuis, nous avons mis en place un réseau de ponts-bascules ouverts au public dans la zone portuaire qui peut gérer l’ensemble du trafic », explique Lucien Ndzomo Mviena, président de DPWS.

La camerounisation des activités permet de contrer le chantage de certaines multinationales à cesser de travailler

En dehors de la volonté exprimée du PAD, certaines renationalisations résultent de désaccords entre les autorités portuaires et le concessionnaire sur le cahier des charges au moment des négociations devant conduire à une prolongation du contrat. « En l’occurrence, alors que l’ancien prestataire n’a pas réussi à convaincre le PAD de réduire les coûts de fonctionnement et de pérenniser les investissements », précise Lin Onana Ndoh. Selon Cyrus Ngo’o, la camerounisation des activités permet aussi de contrer « le chantage permanent de certaines multinationales pour arrêter les travaux ».

Des économies importantes

Les premières conséquences de cette politique de PAD sont les économies sur les différents segments de l’activité portuaire. L’une des meilleures illustrations est la disparition des frais de siège, ces frais que la maison mère répercute sur ses filiales et qui affectent le résultat, auxquels s’ajoute une meilleure maîtrise des charges salariales dues au départ des expatriés.

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La camerounisation a également permis de réduire les coûts. « Le dragage représentait 30 à 40 % des coûts de fonctionnement du PAD, ce qui est significatif. Nous avons dépensé près de 10 milliards de francs CFA par an pour draguer 3,7 millions de m³ de déchets. Nous avons réduit ces coûts à moins de 4 milliards de francs CFA par an pour le même montant traité », assure le directeur adjoint de l’autorité de dragage, Idriss Beye. De même, la mise en place du DPS et de son système de vidéosurveillance de sécurité a considérablement réduit le nombre de vols dont sont victimes les différents opérateurs. « Cela nous a épargné le vol de carburant que déplorait notre prédécesseur, et nous avons ainsi pu réaliser d’importantes économies », note Lin Onana Ndoh.

redevance

La dynamique créée a ainsi permis d’augmenter les recettes du PAD et donc les ressources nécessaires pour réaliser les investissements indispensables à la rénovation des infrastructures et à l’achat de nouveaux équipements. Pour un chiffre d’affaires 2021 de 56,8 milliards de FCFA – soit une augmentation de 14% par rapport à l’exercice précédent – le Container Terminal Board (RTC) devrait dégager un bénéfice de plus de 15 milliards de FCFA.

Les premiers résultats prometteurs sonnent déjà dans d’autres ports de la région

Le résultat net de sa société sœur spécialisée dans le remorquage, plus modeste, est estimé à environ 1 milliard de FCFA, pour un revenu de 4,3 milliards de FCFA (+23%). A ces ressources s’ajoute la perception de redevances fixes et variables, qui sont généralement en augmentation dans les différentes sociétés. Par ailleurs, le contrat avec la société suisse Pukaly pour la revalorisation des résidus de dragage générera un revenu de 45 milliards de FCFA pour les quinze prochaines années.

Ces premiers résultats satisfaisants et prometteurs trouvent déjà un écho dans d’autres ports de la région. Par exemple, l’une des dragues récemment achetées par le PAD partira en avril pour un séjour au port congolais de Pointe-Noire, afin d’évacuer 1,7 million de tonnes de sable pour faciliter l’accès maritime. « Nous étudions même les candidatures du Venezuela et de la Colombie », se félicite Idriss Beye.

Source :
Jeune Afrique

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