Entre la France et le Cameroun, un délicat travail de mémoire

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Faire la lumière sur un pan d’histoire sanglant, longtemps occulté et méconnu : un comité de chercheurs français et camerounais entame son enquête sur le rôle de la France pendant la colonisation et l’après-indépendance de ce pays d’Afrique centrale, œuvre de mémoire souterraine.

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Après la commission Duclert sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, le rapport Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie (2021), la Commission mixte franco-camerounaise s’inscrit à son tour dans la politique de commémoration du président français Emmanuel Macron, au coeur par la « nouvelle » relation qu’il prône avec l’Afrique.

Le 3 mars, l’historienne française Karine Ramondy et l’artiste camerounais Blick Bassy ont officiellement lancé à Yaoundé les travaux de cette commission sur « le rôle de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition entre 1945 et 1971 ». annoncé lors d’une visite du président français au Cameroun en juillet dernier.

Composée d’un volet scientifique – une équipe d’une quinzaine d’historiens des deux pays dirigée par Karine Ramondy – et d’un volet artistique dirigé par Blick Bassy, ​​la commission doit rendre ses travaux d’ici fin 2024.

 » Visible « 

La décolonisation du Cameroun et sa répression sanglante par la France, qualifiée par certains chercheurs de « guerre », « a très peu de visibilité, surtout en France, où elle n’est pas enseignée dans les programmes scolaires, contrairement à la guerre en ‘Algérie’, a souligné le « Ce sera l’un des défis de la commission pour rendre visible ce morceau d’histoire », a-t-elle ajouté.

Outre l’accès aux archives promis par Paris, la commission se penchera sur la France « au sens large : puissance civile, militaire, économique, colons », a-t-elle encore expliqué.

Au Cameroun, Blick Bassy recueillera des témoignages oraux. « Je ne vais pas coopérer LE des historiens, mais plutôt avec des associations et des gens de terrain », a-t-il expliqué, soulignant « l’aspect inédit de cette composante patrimoniale et culturelle ».

« injurieux »

Le travail de mémoire de la Commission s’annonce déjà compliqué.

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Le professeur Daniel Abwa, président de la Société camerounaise d’histoire, s’indigne de la nomination de Blick Bassy. « Vous ne pouvez pas avoir un historien d’un côté et un chanteur de l’autre, c’est vraiment insultant », a-t-il déclaré. « Blick Bassy est jeune et certainement plus libre qu’aucun de ses assassins », répond Jacques Deboheur Koukam, patron de la maison d’édition L’Harmattan Cameroun à Yaoundé, qui a publié de nombreux ouvrages sur la colonisation au Cameroun. Au-delà des questions personnelles, « qu’attendons-nous de cette démarche ? Plainte, réparation ? demande-t-il, regrettant que la Commission n’ait pas « d’objectifs plus clairs ».

Jean Koufan Menkene, historien camerounais et membre de la commission, s’interroge sur le rapport du Cameroun à sa propre histoire : « Malgré le discours officiel convenu, notre pays n’a pas su se réconcilier avec sa propre histoire », écrit-il. D’autres voix s’interrogent sur la capacité à mener un travail pacifique dans un pays dirigé par le président depuis près de 40 ans Paul Biya.

(avec AFP)

Source :
Jeune Afrique

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