Au cœur de l’effervescence footballistique qui anime le Cameroun, une crise profonde oppose le ministère des Sports à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Ce conflit, qui prend des allures de vaudeville avec deux staffs techniques et administratifs concurrents pour une seule équipe nationale, se déroule sous le regard apparemment indifférent du président Paul Biya. Pourtant, cette situation, loin d’être le fruit du hasard, semble s’inscrire dans une stratégie politique bien rodée du chef de l’État camerounais.
Une stratégie politique sophistiquée
1. Selon l’analyse perspicace de Georges Dougueli dans Jeune Afrique, Paul Biya utiliserait délibérément ces tensions comme un outil de gouvernance sophistiqué. En laissant les conflits s’envenimer, le président se réserve la possibilité d’intervenir au dernier moment, se posant ainsi en homme providentiel capable de résoudre les crises qu’il a lui-même laissées croître. Cette approche machiavélique s’appuie sur une connaissance fine de la société camerounaise et de ses passions.
Le football comme opium du peuple
2. Le football, véritable religion nationale au Cameroun, joue un rôle central dans cette stratégie. Il sert d’opium du peuple, détournant l’attention des problèmes sociaux et économiques qui minent le pays. Les débats passionnés sur les Lions Indomptables occupent l’espace médiatique, éclipsant les enjeux politiques plus cruciaux. Cette focalisation sur le ballon rond permet à Biya de manœuvrer en coulisses, préparant discrètement sa possible candidature pour l’élection présidentielle de 2025, sans susciter de débat public sur son âge avancé ou la durée exceptionnelle de son règne.
Une stratégie de division
3. En alimentant les rivalités entre le ministère des Sports et la Fecafoot, Biya maintient également ses opposants potentiels divisés et affaiblis. Cette stratégie de division s’étend au-delà du monde sportif, créant un climat général d’incertitude et de compétition qui renforce paradoxalement sa position de pivot du système.
Les enjeux politiques et médiatiques
4. Le timing de cette crise, à un an de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, n’est pas anodin. Elle pourrait offrir à Biya l’opportunité de se présenter comme le seul capable de rétablir l’ordre, répondant ainsi à une demande populaire de stabilité qu’il aura lui-même suscitée. Cette mainmise sur l’agenda médiatique permet également d’éclipser d’autres scandales potentiellement plus dommageables pour le régime.
5. En contrôlant le rythme et l’issue de la crise, Biya réaffirme sa position de décideur ultime dans le pays. Cette démonstration de pouvoir renforce son image d’arbitre suprême, capable de s’élever au-dessus des querelles pour imposer des solutions quand il le juge nécessaire.
Les risques et les intérêts politiques
6. Cependant, cette stratégie du pourrissement n’est pas sans risques. Elle fragilise les institutions sportives du pays et pourrait, à terme, affecter les performances de l’équipe nationale, si chère au cœur des Camerounais. Malgré ces risques, la tactique de Biya semble pour l’instant servir ses intérêts politiques.
7. Ainsi, le football camerounais devient le théâtre d’un jeu politique plus large, où les passions sportives sont instrumentalisées au profit d’une stratégie de maintien au pouvoir. Cette utilisation du sport comme outil de gouvernance pose des questions profondes sur la nature du pouvoir au Cameroun et sur la capacité de la société à se mobiliser sur des enje