Depuis novembre 2021, Thierry Michel est en conflit avec les frères Balufu, qui l’accusent de » contrefaçon et plagiat pour son film le royaume du silence, où le réalisateur belge dénonce l’impunité des crimes commis au Congo. Une condamnation par la justice congolaise entraînerait la saisie et l’interdiction du film et son incarcération. Thierry Michel a toujours réfuté les allégations.
« Ce n’est pas l’affaire de Thierry Michel et (des frères) Balufu ! », s’est laissé emporter cette semaine par le réalisateur de Le royaume du silence lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Pour lui, le procès contre son documentaire est avant tout une atteinte à la liberté de la presse. » Les Congolais doivent connaître leur histoire ! »
Le film qui déchaîne la chronique congolaise raconte les crimes de guerre qui sévissent en République démocratique du Congo depuis deux décennies. Surtout, il montre que les criminels de guerre sont récompensés au lieu d’être condamnés et appelle à la justice pour mettre fin à l’impunité.
Mais selon Gilbert Balufu Mbaye et Balufu Bakupa-Kanyinda, le documentaire de Thierry Michel et sa productrice Christine Pireaux s’inspire directement de leur histoire intitulée Congo! Le silence des crimes oubliéssorti en 2015.
accords et mensonges
« Nous avons vu Congo! Le silence des crimes oubliés ensembleavec Thierry Michel, qui s’est effondré en félicitations « , raconte à RFI Balufu Bakupa-Kanyinda, indiquant qu’il a même remis au réalisateur belge une copie du film. « Quand on a vu son film projeté à Kinshasa, en novembre 2021, on a remarqué des similitudes avec le nôtre il ajoute.
Des cinéastes congolais affirment avoir identifié « 80 éléments de comparaison » avec leur travail, décrit comme plutôt « braver par Thierry Michel, qui nie cependant toutes les allégations de plagiat et de contrefaçon.
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« Je ne comprends pas. On fait par exemple une campagne de diffamation diabolique d’un film qu’ils ont déjà vu lors de la projection au Palais du Peuple. Nous sommes dans le royaume des mensonges », raconte le réalisateur belge.
Entre ces » mensonges « , qui selon lequel Le royaume du silence ferait la propagande du docteur Denis Mukwege, accusé par les frères Balufu de vouloir « déstabilisation de la société congolaise », raconte Thierry Michel, qui a porté plainte pour diffamation en Belgique et en RDC. Le réalisateur belge souligne également que son procès intervient alors que le prix Nobel de la paix relance son plaidoyer contre l’impunité en RDC.
Que dit la plainte des frères Balufu ?
La plainte déposée par les frères Balufu accuse l’auteur de : Le royaume du silence de violation du droit d’auteur d’une œuvre cinématographique en la reproduisant sans autorisation ». Thierry Michel et Christine Pireaux sont également accusés de « vol et viol de l’imaginaire congolais ».
« Quand on s’approprie l’imaginaire des autres et qu’on se l’approprie, on est dans le vol de l’imaginaire « Juge Balufu Bakupa-Kanyinda. La personne qui a organisé le retour de la dépouille de Patrice Lumumba fin juin insiste sur le fait que « la lutte congolaise est notre lutte », accusant Thierry Michel d’appropriation culturelle.
Pourtant, le film du réalisateur belge est le dernier d’une série de documentaires qu’il a réalisés au cours de ses trente années de voyages au Congo.
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« Aucune trace de plagiat »
Une analyse des deux films réalisée par le cabinet spécialisé Engelbert, pour l’association internationale des auteurs SCAM, a révélé que Thierry Michel » n’a pas enfreint les règles d’éthique visuelle résume Frédéric Young, représentant général de la SCAM pour la Belgique.
« L’avis de l’expert indépendant, figure éminente dans ce domaine en Belgique, était très clair : il ne voyait aucune trace de plagiat dans l’œuvre de Thierry Michel ‘ explique-t-il à RFI.
Le document rappelle en outre qu’un thème commun » n’implique aucun droit ou protection spéciale Autrement dit, ce n’est pas parce que deux films traitent du même sujet que l’on peut parler de plagiat.
Différences de traitement
Seules quatre séquences communes ont été identifiées : Il s’agit d’images d’archives de l’agence de presse française Capa que les frères Balufu auraient utilisées sans autorisation, selon l’étude du cabinet d’avocats belge Engelbert.
« Je ne sais pas s’ils sont en désaccord avec l’analyse des faits historiques », poursuit Frédéric Young de la SCAM. Ainsi, le film des frères Balufu continue en dénonçant le Rwanda et l’Ouganda et en tenant les deux pays responsables des crimes commis en République démocratique du Congo.
« Je pense, selon notre expert, qu’il s’agit plus d’un débat politique entre deux auteurs que d’un débat sur le droit d’auteur. conclut Young. Interrogé sur les comparaisons faites par l’expert indépendant, Balufu Bakupa-Kanyinda indique qu’il rejette les conclusions d’experts qu’il ne reconnaît pas.
💬 🇨🇩 « Le Congo a eu une histoire exceptionnelle dont on ne peut pas parler », déclare le réalisateur belge Thierry Michel.
@ChBoisbouvier #RFImatin pic.twitter.com/EExREiwSIP— RFI (@RFI) 15 mars 2022
Une affaire politique ?
Pour Thierry Michel, le véritable motif de l’agitation autour de son film est d’empêcher sa diffusion. » Evidemment ce film énerve certains ‘, explique le réalisateur à RFI. » Il a dénoncé des crimes impunis et non reconnus (….) de la tragédie congolaise. Dans ce film, les victimes citent des criminels présumés qui devront sans doute un jour répondre. De toute évidence, ce film irrite ces gens. »
Les frères Balufu, eux, nient toute manœuvre politique. « On ne fait pas de politique insiste Balufu Bakupa-Kanyinda. « Il s’agit de soupçons de plagiat et de contrefaçon. Nous demandons simplement à M. Michel de nous remettre une copie de son film afin que nous puissions organiser des séances publiques de comparaison. Il a refusé, c’est pourquoi nous sommes allés au tribunal ajoute le cinéaste congolais, démentant toute volonté d’interdire le film de Thierry Michel.
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Un argument que le cinéaste belge n’arrive pas vraiment à convaincre. « ils reculent il déclare. Lorsqu’il y a un conflit entre deux auteurs, c’est toujours civilement qu’il est résolu. »
« Le fait que la procédure soit criminelle, en vue d’une peine de prison, ce qui est une première dans ma vie, mais aussi dans l’histoire du cinéma de voir un cinéaste tenter d’emprisonner un autre cinéaste, le fait que ce soit criminel, ressemble à ça peut être exécutoire », ajoute Thierry Michel.
La peur de l’arrestation
Le réalisateur belge est rentré vendredi dans la capitale congolaise pour entamer une tournée de diffusion de son film dans plusieurs provinces de la RDC, dont le Sud-Kivu. C’est à Bukavu, dans cette province ravagée par la guerre de l’est du pays, qu’il projettera son film le mardi 30 août, jour de l’ouverture du procès devant le tribunal de Kinshasa. Il souligne le risque auquel il s’expose en cas de mise en examen. » Le juge peut décider sur place d’appliquer la peine, et là je suis immédiatement arrêté ‘, confie-t-il à RFI.
Avec sa collègue Christine Pireaux, il risque une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans. Malgré les risques, Thierry Michel reste serein : « Ils n’ont aucune preuve pour interdire ce film et j’espère que la justice congolaise ne sera pas arbitraire. »
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