Samedi 30 octobre, des milliers de personnes sont prévues à Khartoum pour manifester contre le coup d’État militaire. Lundi 25 octobre, le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée, a annoncé au chef du Conseil souverain la dissolution des Autorités de transition et l’arrestation de la quasi-totalité des dirigeants civils. Il y a de la consternation dans le pays. Alors que le Soudan venait d’amorcer une transition vers la démocratie, il s’agit d’un véritable pas en arrière.
Tout a commencé lundi 25 octobre, le général Abdel Fattah al-Burhan – qui dirige le Conseil souverain (la plus haute instance) annonce la dissolution des autorités de transition. Le Premier ministre Abdallah Hamdok, plusieurs ministres et tous les membres civils du Conseil souverain sont arrêtés. Le chef de l’armée déclare l’état d’urgence, ajoutant que » gouvernement de personnes compétentes Sera formé. Bref, l’armée reprend le contrôle.
« Les querelles de certains partis politiques et leur course au pouvoir, leur incitation au chaos et à la violence au mépris des menaces sécuritaires, économiques et socialesa déclaré le général Burhan dans son discours. Tout cela nous a obligés, l’armée et les forces d’appui rapide, ainsi que d’autres forces de sécurité, à sentir ce danger et à prendre des mesures qui pourraient préserver le cours de la glorieuse révolution de décembre. [2019 ndlr]jusqu’à ce qu’il atteigne son objectif ultime, qui est d’établir l’État bourgeois par des élections libres et équitables. »
Nous sommes 40 millions à dire « Pas » !
A Khartoum c’est le choc. Les militaires et les civils vivaient ensemble depuis deux ans depuis la chute de l’ancien président Omar el-Béchir. Cette transition prendrait trois ans et conduirait à des élections démocratiques.
Pour Mai, chef d’entreprise, qui était déjà dans la rue en 2019 pour demander le départ de l’ex-président Omar El Béchir, c’est la consternation : « Il y a de la colère parce qu’ils ne veulent pas lâcher prise. Nous sommes 40 millions à dire « Non » ! La révolution a été menée par la jeunesse. Filles et garçons de 16-17 ans entrés dans l’armée en 2019 et confrontés aux tirs de l’armée… et ces jeunes représentent 70 % de la population. Les militaires ne peuvent pas nous dire « non » après tout ça ! ».
Un coup d’Etat annoncé
Ce coup d’État n’était pas imprévisible. Les relations entre civils et militaires se détérioraient depuis des mois. Le mois dernier, il y a même eu une tentative de coup d’État contre le gouvernement civil. Dans son intervention, le général Burhan blâme les citoyens pour ce qu’il accuse de diviser, de créer le chaos et de ne pas avoir restauré le pays. En fait, le pays connaît depuis des années une grave crise économique – ce qui a été la cause du soulèvement contre Omar el-Béchir.
Certains officiers militaires, comme le général Burhan, peuvent craindre la perspective que la CPI juge enfin Omar al-Bashir
Les Soudanais fondaient de grands espoirs sur ce nouveau gouvernement de transition. Certains sont déçus, ne souhaitant pas un retour de l’armée à la tête du pays. D’autres, notamment les dirigeants de l’ancien régime, membres du Parti du Congrès national (NCP) d’Omar el-Béchir, ont exigé le retour des soldats. De plus, ces dernières semaines, nous avons vu plusieurs centaines de partisans du camp militaire devant le palais présidentiel à Khartoum exiger la démission du Premier ministre.
Le général Burhan s’appuie sur ce mécontentement pour justifier ce coup d’État et dit vouloir corriger le cours de la transition. Pour les différents observateurs, il s’agit bien sûr d’un prétexte. Dès le début, les militaires ont été contraints de coopérer avec les civils et cette transition vers le pouvoir démocratique n’est pas dans leur intérêt, explique le chercheur Jérôme Tubiana :
« Il est vrai ce que dit Burhan, qu’il y avait des divisions parmi les citoyens, des luttes intestines incessantes qui rendaient le pays difficile à gouverner. Mais nous pouvons voir que c’est un prétexte et qu’il y avait d’autres sujets de division beaucoup plus importants. Comme la réforme du secteur de la sécurité, de l’armée, qui aurait contraint de nombreux officiers à abandonner un contrôle très fort sur une institution qui n’est pas vraiment une armée nationale, analyse le spécialiste du Soudan. Il y avait aussi les réformes de l’économie qui, à long terme, auraient certainement obligé les militaires à rendre au gouvernement des pans entiers de l’économie qu’il contrôle, des entreprises qui n’ont rien à voir avec les affaires militaires. Il y a aussi la lutte contre la corruption, qui menaçait de nombreux barons du régime, et bien sûr il y avait la question de la justice, car certains militaires, comme le général Burhan, pourraient craindre la perspective d’une décision de la Cour pénale internationale (CPI) à terme. Omar el-Béchir. »
Un peuple qui se mobilise pour son armée
Dans les heures qui ont suivi la déclaration du général Burhan, des milliers de Soudanais sont descendus dans la rue pour réprimander les militaires. En général, la communauté internationale a condamné ce coup d’État.
Bien sûr que j’ai peur. Je sais que ça va être violent
A partir de lundi, les Soudanais ont commencé à se mobiliser en manifestant, en dressant des barrages routiers pour bloquer les rues à Khartoum, mais aussi dans d’autres villes du pays. Et toutes les forces que l’on peut qualifier de pro-démocratiques – partis politiques, société civile, syndicats – envisagent de descendre dans la rue demain samedi pour dire « non » aux militaires.
Comme Asmaa, militante des droits humains : « Personnellement, je pense que samedi sera un jour décisif pour notre avenir. Soit nous retournons à une dictature, soit nous parvenons à faire entendre notre opposition. Bien sûr que j’ai peur. Je sais que ça va devenir violent. Mais ma plus grande crainte n’est pas ce qui risque de se passer samedi, mais plutôt le sombre avenir qui nous attend si nous ne protestons pas contre ce coup d’État. »
Avant même la manifestation de samedi, les forces de sécurité ont arrêté cette semaine plusieurs dizaines de personnes dans les rangs pro-démocratie.
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