Dialogue avec les séparatistes: voici les raisons cachées du revirement de Biya

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    Joseph Dion Ngute est allé délivrer, hier (jeudi, 9 mai 2019), un message de paix consistant à faire savoir aux populations du Nord-Ouest que le Président de la République va ouvrir un dialogue sur la situation politique actuelle.

    Le Premier ministre a entamé sa mission officielle dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest en crise depuis novembre 2016. Parvenu au terme de la première journée, le chef du gouvernement a présenté la quintessence de son message: « Le Président de la République est en train de prendre des mesures pour qu’un dialogue sur la crise anglophone ait lieu ».

    « Le Président de la République m’a instruit de venir dans la région du Nord-Ouest pour porter le message de paix, un message de réconciliation à ces populations, qui ont été meurtries par beaucoup d’actes qui n’auraient pas dû être commis par nos jeunes. Il m’a demandé de leur dire qu’ils restent les enfants du Cameroun et, de ce fait, ils ne doivent pas se priver d’une éducation comme ils le font. Ils ne doivent pas infliger à la société ce qu’ils sont en train de faire: les villes mortes; les rançons après les enlèvements; les gens ne peuvent pas circuler librement dans leurs propres pays », telle est l’intégralité du propos tenu devant les populations et la presse par Dion Ngute.

    Cet appel du Premier ministre intervient au moment où les appels au dialogue se multiplient à travers le Cameroun. En effet, que ce soit dans les régions concernées, le Nord-Ouest ou le Sud-Ouest ou encore le reste du pays, les concitoyens expriment leur volonté de voir les perturbations sociopolitiques en cours s’estomper pour un retour à la normale. Déjà plus de 1800 morts enregistrés, des milliers de blessés comptabilisés, des personnes mutilées, des populations déplacées, des biens publics et privés détruits; bref de lourdes pertes économiques et sociales avec près de 80% d’établissements scolaires fermés et une chute drastique des recettes fiscalo-douanières.

    Cette crise sociopolitique a, dans le même sillage, endommagé les agro-industries basées dans le Sud-Ouest et entraîné dans le chômage de nombreux Camerounais qui ne savent plus à quel saint se vouer. L’incidence sur l’image du pays est préjudiciable au moment où le Cameroun est en quête des investisseurs étrangers dans le dessein de la relance de la situation économique confrontée à un état chancelant et déstructurant.

    Vers la construction d’un contexte de dégel politique?

    Au départ, le Président de la République est resté arc-bouté sur une posture maximaliste. Paul Biya s’est toujours montré radical tant le dialogue n’avait pas droit de cité et n’était même pas à l’ordre du jour. « Le Chef de l’Etat va dialoguer avec qui? » Telle est la question ritournelle qu’ont posée, en permanence, les proches collaborateurs et thuriféraires du régime, qui ont toujours battu en brèche la voie du dialogue. Même certains acteurs politiques du parti au pouvoir ont clamé et soutenu cette thèse durant plusieurs mois. Près de trois ans après, que de temps perdu!!!! Voici donc le Président de la République qui appelle, au demeurant et sur le tard, au dialogue après l’entrevue, le 4 mai 2019, avec la Haut commissaire des Nations unies au droits de l’homme.

    Au cours de la rencontre avec des leaders sociopolitiques camerounais, Michelle Bachelet a, le 6 mai 2019, fait connaître, sous la bannière des Nations unies dont elle est la représentante, le rapport de sa visite de trois jours au Cameroun. Parmi les résolutions majeures, figure celle relative à l’option pour l’implémentation du dialogue politique inclusif avec les leaders politiques de l’opposition et du parti au pouvoir, avec des chefs religieux, avec des organisations de la société civile, avec des leaders séparatistes,ainsi qu’avec la communauté internationale. Le but à long terme consiste à régler la situation sociopolitique contemporaine marquée par la crise.

    C’est 72 heures après la publication du rapport des Nations unies cette semaine que Paul Biya met Joseph Dion Ngute en mission officielle dans l’optique d’aller discuter avec les autorités administrative, traditionnelle, politique et religieuse du Nord-Ouest Cameroun. Le Premier ministre pourra-t-il convaincre les protagonistes séparatistes englués, tous azimuts, dans la perpétuation des formes de violences meurtrières? Pourront-ils, enfin, déposer les armes comme l’a appelé le Chef de l’Etat le 31 mars 2018 dans son discours adressé à la nation camerounaise? Le débat politique de fond sur la re-structuration de l’Etat camerounais, en l’occurrence sur le fédéralisme, sera-t-il donc posé avec les ayant droits de manière à rechercher les voies de sortie de crise?

    S’achemine-t-on vers l’option pour une dynamique de résolution de la conflictualisation des rapports de pouvoir entre les sécessionnistes et le pouvoir de Yaoundé? Tel est le questionnement qui régule la lame de fond des joutes autour de la la situation sociopolitique contemporaine. Il vaut mieux jouer franc jeu, cesser toute forme théâtralisation orchestrée, il y a deux ans, par l’ancien Premier ministre Philémon Yang, surtout que le Président de la République a appelé au pardon du peuple le 7mai 2019 sur son compte tweeter.

    Sans conteste, il est possible d’assister, dans les prochains jours, à la signature d’un décret présidentiel statuant sur l’arrêt des poursuites judiciaires contre Maurice Kamto, le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), ses alliés politiques et plus de 150 de ses partisans écroués dans les prisons centrale et principale de Yaoundé depuis le 28 janvier 2019 à cause des manifestations du plan national de résistance au hold-up électoral réprimées et interdites par des autorités officielles.

    Aussi est-il urgent, voire impératif de pardonner tous les prisonniers arrêtés depuis plusieurs mois et qui sont concernés par la crise anglophone. Sissiku Ayuk Tabe et son gouvernement fantôme, Mancho Bibixy, font, entre autres, partie de ces dissidents de la cause anglophone. Vivement que Paul Biya mute son logiciel de la gouvernance s’il tient absolument à un retour à la paix et à la stabilité. Le plutôt est le mieux en ce moment où il y a une pression internationale sur le régime en place. Sait-on jamais!

    Journaliste: Don King/Cameerounweb.com

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