Pour avoir osé afficher leur appartenance ou soutenu le régime en place, plusieurs artistes camerounais essuient une vague de boycott sur les scènes de la diaspora. Entre revendications (légitimes) et génocide artistique, la Brigade anti sardinards à la manœuvre, laisse traîner dans le milieu, des mélodies incohérentes. SOS, artistes camerounais en danger ! Symphonie dissonante sous le ciel de la diaspora. Il faut sauver le soldat musique.
De la playlist à la blacklist, il n’y a plus qu’une note. C’est un doux euphémisme de dire qu’il y’a péril sur les concerts des artistes musiciens camerounais en Europe. Après avoir obtenu le visa auprès des autorités consulaires au bercail, il faut désormais obtenir de la Brigade anti sardinards (Bas), mue en direction artistique incontournable, un acquiescement pour se produire sur scène à l’étranger. Il suffit de prouver sa non appartenance au Pouvoir de Yaoundé que dirige depuis 36 ans, Paul Biya qui a placé son énième mandat à la tête de l’Etat sous le signe des « Grandes opportunités ». Un exercice avilissant dont plusieurs ambassadeurs de la culture made in Cameroun en ont déjà payé les frais. Le dernier en date n’est autre que la coqueluche du moment, Nyangono du Sud.
Vendredi 19 avril 2019, les amazones de la faction française de la Bas ont posté une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle, elles clamaient le boycott du concert de celui qui se fait surnommer « le Lion du Sud ». Obligeant l’auteur du « Foup Fap » à regretter le jour où il a osé dire de Paul Biya qu’il est une bénédiction pour le Cameroun. Fort heureusement pour lui, il est finalement monté sur scène le samedi suivant au Vrp Paris pour sauver son séjour et éviter une déconvenue qui lui aurait été fatale. Y a-t-il eu de négociation entre les organisateurs de cette soirée et les adeptes du boycott ? On n’en sait pas grand-chose.
Liste noire
Avant Nyangono, c’est les concerts de K-Tino, Grace Decca et Coco argentée qui ont été annulés par décret de la Bas qui accusent ces artistes d’avoir osé offert des prestations en faveur du candidat Paul Biya lors de la campagne électorale 2018. Même la légende Ben Decca dont la prestation fut constatée au stade Cicam à Douala pour le compte du parti au pouvoir, a vu son concert à l’espace Noisy-le-Sec (12-14 Rue de la pointe) inscrit dans cette liste noire. Tout comme Afo Akom, Gislain Dimamï, Ama Pierrot, Jean Pierre Essome, Majoie Ayi, Kaiser Show, Moustik Le Charismatique, Mani Bella, Jackson Paténgué, Roméo Dika.
Tous sont désormais blacklistés frappés d’interdiction de faire un show dans l’espace EuropeAmérique. Et, pour mettre à exécution leur funeste dessein, ces contestataires du régime de Yaoundé envoient constamment des menaces aux organisateurs des concerts tels qu’Armand Nlend aux fins de créer des incidents au cas où l’un des mécènes s’entêterait à tenir son événement.
Aux yeux de ces activistes, issus pour la plupart de la diaspora, ces artistes sont allés à la soupe, « alors que le pays souffre, avec un homme au pouvoir depuis trentesix ans », comme le martèle sur la toile, l’un des leurs, Emmanuel Kemta, plus connu sous le nom de combattant Kemta. Membre du Collectif des organisations démocratiques (Code) de la Diaspora camerounaise, fondé par son compatriote Brice Nitcheu, le combattant Kemta est l’un des premiers à avoir lancé un mot d’ordre de boycott des artistes qui ont soutenu le président Paul Biya.
Un appel relayé notamment lors de la première marche de protestation contre la victoire du président Biya, organisée le 22 octobre devant l’ambassade du Cameroun à Paris. Une semaine plus tard, la Bas est créée par un groupe d’activistes parisiens. Et ils choisissent comme porte-parole l’activiste camerounaise Salomene Tchaptchet Yankap.
Cette mélodie que le Mrc ne veut pas Pour l’heure, le boycott se poursuit, avec des conséquences financières très importantes. Les difficultés de l’économie de la culture en Afrique subsaharienne sont telles qu’il frappe durement les artistes concernés. Les concerts qu’ils organisent en dehors du continent sont en effet l’une de leurs principales sources de revenus.
Le « farotage pèse lourd », pour reprendre une expression chère à ces créateurs des œuvres de l’esprit. Narcisse Mouelle Kombi alors ministre camerounais de la Culture à l’époque des faits, s’était exprimé sur cette question : « Je tiens à dire toute ma solidarité, mon soutien et ma sympathie aux artistes ainsi visés par des actes d’intimidation et de menace ou même de violence. Ces actes sont inacceptables, en tant que manifestation abjecte de l’intolérance. […] En tant que responsable de ce secteur, je condamne lesdits agissements, dans la mesure où ils constituent une atteinte grave à la liberté d’opinion et d’expression. »
A plusieurs reprises, cette Bas a été présentée comme l’antichambre du Mouvement pour la renaissance du Cameroun dont le leader n’est autre que Maurice Kamto, embastillé à la prison centrale de Kondengui et reconnu coupable de huit chefs d’accusation : attroupement, rébellion en groupe, insurrection, hostilité contre la patrie, association de malfaiteurs, complicité, et trouble à l’ordre public. Toute chose que le Mrc a toujours niée en bloc, se refusant de danser sur le rythme de cette brigade reconnue pour son extrême violence. Insipide mélodie.
Source: Le Messager No 5292