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Noso: énorme découverte de la Croix-Rouge

Le chef des opérations du comité international de la Croix-Rouge (CICR) Jérôme Fontana, explique les défis humanitaires sur le terrain de la crise anglophone et de la lutte contre BokoHaram.

Au Cameroun, quels sont les différents domaines dans lesquels le Cicr intervient ?
Le comité international de la croix rouge est une organisation humanitaire spécialisée dans l’aide aux victimes de guerre ou aux victimes de violence armée. C’est le but principal de nos activités et, à travers le monde, la plupart de nos activités sont dans des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Sud Soudan, la Somalie ou les contextes qui sont très affectés par les conflits armés. Au Cameroun, on a développé nos activités depuis la fin 2014 et au début de 2015, à la suite des incursions de BokoHaram à l’Extrême-Nord. Depuis plus d’une année, on a ouvert des structures à Buea et Bamenda, pour aussi porter protection et assistance aux victimes de la crise anglophone.

Dans l’Extrême-Nord quelle évaluation humanitaire pouvezvous faire ?
On voit plusieurs types de problèmes. On voit des problèmes qui sont liés à des personnes déplacées depuis plusieurs années, où là, on a des programmes de soutien qui visent plutôt la résilience des gens. Il s’agit d’activités comme des programmes agricoles ou des programmes de vaccination du petit bétail. Ce sont des programmes de soutien qui permettent à ces familles d’avoir de petites activitésbéconomiques. Il s’agit d’aider les personnes à s’aider par ellesmêmes ; de donner les moyens à ces familles de personnes déplacées, de se prendre en charge pour pouvoir être autosuffisantes. En parallèle, il y a malheureusement une recrudescence des attaques, surtout dans le Mayo-Sava, où l’on constate de nouveaux déplacements des populations. Il y a aussi des villages brûlés. On recommence à avoir plus d’activités d’urgence, la distribution d’urgence, que ce soit de la nourriture, des articles de première nécessité comme des couvertures, des nattes, des ustensiles de cuisine, pour que les familles qui ont tout perdu puissent avoir un minimum d’articles de première nécessité pour pouvoir se réinstaller dans une nouvelle localité.

Est-ce seulement ainsi que vous résumeriez l’état des besoins humanitaires dans l’Extrême Nord ?
Malheureusement pas. Il y a d’autres besoins qui sont tout aussi importants et de nouveaux programmes sur lesquels on commence à travailler. Par exemple, le besoin des familles de personnes disparues. Il y a des gens dont on ne sait pas ce qu’il est advenu d’eux. Ont-ils été arrêtés, tués, kidnappés ? Des familles nous approchent pour essayer d’avoir des nouvelles de leurs membres disparus. Et vous avez des informations à leur donner à ce sujet ? Nous venons de mettre en place ce programme. On a déjà un programme de visite de prisons en soutien aux autorités camerounaises. Donc, on peut savoir si les personnes disparues ont été arrêtées ou sont en prison, parce que là on arrive à faire un suivi de la situation de ces personnes. Et après, on cherche des informations de différentes manières pour savoir si ces gens seraient au Nigéria ou autre part. Je vous donne un exemple qui concerne les réfugiés centrafricains. On a pu faire des réunions familiales entre un enfant centrafricain qui s’était réfugié au Tchad et des membres de sa famille qui étaient réfugiés depuis la Centrafrique ici au Cameroun. Grâce au travail de recoupement d’informations, on a pu se rendre compte que l’enfant centrafricain était bien l’enfant des parents qui sont au Cameroun et, après toutes les vérifications indispensables, on a pu réunir les familles.

Dans le NoSo, quelle est la situation humanitaire ?
La situation est très préoccupante, en termes de sécurité et liberté de mouvement. Il y a beaucoup de personnes qui ont été directement victimes de cette crise, parce que leurs villages ont été brûlés, il y a eu des exécutions sommaires, des pillages et, ce qui est préoccupant, c’est que toutes les personnes ne peuvent pas se déplacer pour aller trouver refuge dans une grande ville. Certaines personnes sont contraintes de rester proches de leur lieu d’origine, voire de vivre dans la forêt. Ce qui est difficile pour les organisations humanitaires de pouvoir leur apporter protection et assistance.

Et comment vous en sortez vous dans ce contexte difficile ?
Le plus important pour nous, c’est d’avoir un minimum de sécurité et d’acceptation. On n’a pas d’escorte armée. Notre sécurité et l’accès aux endroits difficiles sont basés sur la bonne compréhension, à la fois des autorités camerounaises, mais aussi de l’opposition armée, sur le caractère uniquement neutre, impartial et indépendant de nos activités. On est là uniquement pour venir en aide et pour la protection des populations locales. On n’est pas du tout impliqué dans une médiation, un processus politique dans cette crise. Vous intervenez dans des zones où parfois l’autorité de l’Etat n’existe pratiquement plus.

Concrètement, comment se gère votre sécurité ?
Malheureusement, à travers le monde, le Cicr a connu plusieurs incidents de sécurité très graves. On a des collègues qui ont été tués au Mali, au Yemen, en Syrie ; qui ont été kidnappés. Ces questions de sécurité sont toujours au sommet de la liste de nos priorités. C’est un souci permanent de ne pas mettre en danger nos équipes. Maintenant, la manière dont on travaille vise à avoir un maximum de contacts, de réseaux de personnes qui nous font confiance, à qui on peut expliquer qui on est ; que les gens puissent constater que nos caractères neutre, impartial et indépendant ne sont pas uniquement de belles paroles, mais la réalité de ce qu’ils peuvent constater dans la mise en œuvre de nos activités. Et, avec progressivement cette confiance qu’on arrive à gagner, on a une liberté de mouvement qui devient de plus en plus grande. Ça prend du temps, parce qu’on est dans des contextes qui sont extrêmement émotionnels. Surtout qu’au Cameroun on a souvent un regard soupçonneux vis-à-vis des Organisations internationales… C’est même la force du Cicr. Nous existons depuis plus de 150 ans. On travaille dans plus de 80 pays à travers le monde sur la base de ce principe d’indépendance, d’impartialité et de neutralité. Si le Cicr enfreignait ses principes dans un pays, cela pourrait avoir des répercussions à travers le monde entier.

Le NoSo, ce sont des morts, des disparus, des villages brûlés… quel est l’état des besoins des populations ici ?
Le premier besoin élémentaire, c’est un meilleur comportement des porteurs d’armes. C’est-àdire que toute personne impliquée militairement dans la crise respecte bien le droit national et le droit international de comportement dans ce genre de situation. Le principal focus de nos activités est de récolter des allégations de la part des victimes d’exactions et puis, de pouvoir les rapporter de manière complètement confidentielle, pour pouvoir influencer le comportement des porteurs d’armes de quelque camp que ce soit, ce, pour avoir une réduction des violences, des abus contre les communautés locales. En plus de cela, on développe des activités pour venir en aide aux populations déplacées. On développe toute la palette de nos activités. Il est question de limiter les abus contre les populations civiles, de réunir les familles séparées, on visite les personnes dans les prisons, limite les risques de disparition en prison ; limiter la torture ou le mauvais traitement des personnes arrêtés. Nous avons aussi une palette d’activités qui tient du soutien médical à des centres de santé, parce que dans des pays en conflit, souvent, le fonctionnement des structures médicales est perturbé. On le fait à l’ExtrêmeNord, on commence à le faire dans le NoSo ; que ce soit la formation du personnel, la fourniture des médicaments et surtout, faire passer des messages de la nécessité de respecter le personnel et les infrastructures médicales. A part cela, il y a des activités de soutien économique à l’ExtrêmeNord. Dans les régions anglophones, on est encore dans une phase d’urgence.

Concernant la crise anglophone, avez-vous fait des visites de prisons ?
On a un programme de visite de prisons depuis plusieurs années. Actuellement, c’est limité à la prison centrale de Maroua. Avant, on visitait régulièrement les prisons de Kousseri, Garoua, Bertoua, Yaoundé, dans le cadre de la lutte contre BokoHaram. Pour le NoSo, on a visité très récemment les prisons de Bamenda, de Buea (par le passé), de Douala, toujours en lien avec la crise anglophone.

Votre mot de fin ?
Je suis très préoccupé par la situation humanitaire, que ce soit à l’Extrême-Nord ou dans les régions anglophones. Malheureusement, on ne voit pas encore une amélioration significative des besoins, malgré le soutien des organisations humanitaires comme le Cicr. On est encore largement en dessous de pouvoir répondre à tous les besoins existants. J’espère vraiment que la situation va s’améliorer parce que les actions humanitaires ne sont qu’un sparadrap sur les souffrances. Une situation qui peut à long terme s’améliorer, nécessite des actions, un plus grand engagement pour résoudre des crises ou développer plus de services primaires qui vont bien au-delà de la capacité de l’action humanitaire. Propos recueillis par Kami Jefferson


SOURCE : https://www.w24news.com/noso-enorme-decouverte-de-la-croix-rouge-2/?remotepost=14417

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