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World News – FR – Présidentielle 1995: quand le Conseil constitutionnel a manoeuvré pour « sauver » le président Chirac

Le Conseil constitutionnel a manoeuvré pour valider les comptes de campagne de Jacques Chirac et Edouard Balladur à l'élection présidentielle de 1995, malgré les nombreuses irrégularités constatées Une plongée sans précédent dans les archives de l'institution présidée à l'époque par Roland Dumas

Exclusif | Le Conseil constitutionnel a manoeuvré pour valider les comptes de campagne de Jacques Chirac et Edouard Balladur à l’élection présidentielle de 1995, malgré les nombreuses irrégularités constatées Une plongée sans précédent dans les archives de l’institution présidée à l’époque par Roland Dumas

Pendant 25 ans, les «Sages» qui siégeaient au Conseil constitutionnel en 1995 ont pu se réfugier derrière le serment les obligeant à garder le secret sur le contenu de leurs réunions Les archives de l’institution, auprès desquelles l’unité d’enquête de Radio France a eu accès, révèlent que les conseillers ont bafoué la loi pour valider le financement clairement irrégulier des campagnes de Jacques Chirac et Edouard Balladur Au mieux, ils ont fermé les yeux sur des millions d’espèces de provenance douteuse Au pire, ils ont «déguisé» le comptes des candidats Le but était de sauver le président déjà élu

Début 2012, le président du Conseil de l’époque, Roland Dumas, a déclaré à notre collègue Benoît Collombat: « Je rencontre les journalistes lorsque les archives du Conseil constitutionnel sont ouvertes » Sur ses sages conseils, nous avons donc attendu et pris rendez-vous aux Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, le lundi 12 octobre 2020, pour consulter le procès-verbal, conservé dans un grand carton gris, et tombé dans le domaine public depuis la veille

Ce 12 juillet 1995, rue de Montpensier à Paris, à Paris, la chaleur est accablante Pour cette première séance consacrée aux comptes de l’élection présidentielle, Roland Dumas choisit une petite salle à l’abri des rayons du soleil plutôt que l’habituelle salle de réunion qui donne sur la cour du Palais Royal Tous les «Sages», sauf Etienne Dailly, souffrant, sont présents La juriste Noëlle Lenoir, 47 ans, se démarque Elle est entourée d’hommes en costumes et cravates bien plus âgés qu’elle (Maurice Faure, Marcel Rudloff, Georges Abadie, Jean Cabannes, Jacques Robert et Michel Ameller)

La tension est palpable Pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel a la lourde tâche d’examiner les comptes des candidats à la présidentielle « C’est la première expérience dans ce domaine, elle doit réussir! », prévient Roland Dumas de Le début Le président Chirac ayant déjà été investi, l’examen des comptes doit aller vite Trois mois maximum « Il vaut mieux surmonter cette haute tension politique au plus vite », conseille Olivier Schrameck, le secrétaire général qui guidera les sages tout au long du processus

Ce 12 juillet, le Conseil constitutionnel nomme trois rapporteurs pour chaque compte à examiner Ces jeunes hauts fonctionnaires, de la Cour des comptes ou du Conseil d’État, passeront la période estivale le nez au fond des projets de loi, scrutant chacun dépenses et revenus de chaque candidat Ils proposeront ensuite au Conseil de valider les comptes, de les réformer ou de les rejeter L’enjeu est de taille car cette décision se traduira par le montant qui sera remboursé (ou non) par l’Etat aux candidats

Mais si le travail minutieux est effectué par les rapporteurs, Roland Dumas laisse entendre que les membres du Conseil auront leur libre arbitre Il n’y a aucun moyen qu’ils soient dictés par des fonctionnaires, aussi brillants soient-ils « Nous ne pouvons pas partir la bride au cou des rapporteurs avec le danger de se retrouver, en septembre, devant des dossiers presque entièrement bloqués », dit-il

Dès cette première réunion, les membres du Conseil semblent perdus dans les rebondissements de la nouvelle législation régissant le financement électoral « Je rappelle tout d’abord qu’en ce qui concerne l’examen des comptes des candidats à l’élection présidentielle , nous n’avons pas de règlement intérieur, explique le secrétaire général du Conseil, Olivier Schrameck Nous sommes contraints par un temps très court et pourtant nous devons maîtriser la procédure « Et d’ajouter: » Concernant l’élection présidentielle, une fois le plafond dépassé, il y a un virement automatique vers le Trésor Doit-on donc considérer qu’il y a rejet du compte? Il semble difficile de ne pas refuser un compte s’il est en retard, mais ce problème n’est pas résolu explicitement »

On comprend aisément, dans le huis clos feutré de la rue de Montpensier, les Sages, tous nommés par le pouvoir politique, ne veulent guère aller chercher des poux dans la tête des anciens candidats Et ils espèrent que les rapporteurs ne seront pas trop zélés durant leur mission Le conseiller Marcel Rudloff est inquiet: «L’agent ou le candidat doit être informé le plus rapidement possible des démarches entreprises Si nous apprenons que le Conseil interroge les bouchers, les boulangers et les organisations de rassemblement, c’est déjà mauvais; mais si en plus c’est fait sans que le candidat en soit averti, alors ce sera vraiment difficile « 

De sa chaise derrière le président, Olivier Schrameck tente de rassurer les conseillers Même si les rapporteurs seront des «dépositaires, tous, à chaque instant de documents explosifs», l’institution n’a pas trop à craindre – les rapporteurs étant tous magistrats – De plus, le secrétaire général assure qu ‘ »aucun qualificatif ne sera utilisé dans la rédaction qui pourrait conduire à une polémique »

L’ambiance est lourde lorsque les Sages se retrouvent fin juillet Paris vient d’être frappé par un attentat à la bombe sanglant Au menu de la réunion des conseillers ce jour-là: la question d’une éventuelle augmentation de la TVA et le premier examen des comptes des candidats à la présidentielle Les rapporteurs, qui travaillent sur le sujet depuis trois semaines, entrent dans la salle du conseil Le cas de «l’outsider» Jacques Cheminade arrive sur la table Des hauts fonctionnaires parlent d’un «système opaque» Le candidat de le parti «Solidarité et Progrès» (qui a réuni 028% des voix) aurait pu chercher à gonfler artificiellement ses dépenses et ses revenus de campagne pour obtenir un remboursement plus important de l’État

Nous passons au récit d’Edouard Balladur Le rapporteur Laurent Touvet – actuel préfet de Moselle -, va droit au but: l’ancien Premier ministre aurait dissimulé de nombreuses dépenses de campagne «Il nous est vite apparu que le souci du financement association de M. Balladur devait maintenir les dépenses du candidat sous le plafond de 90 millions, une exigence d’autant plus onéreuse que la perspective de participation au second tour augmentait. De plus, les factures sont d’autant plus rares que les manifestations sont proches du scrutin « Parfois les factures sont même inexistantes, se plaint le rapporteur » Il y a beaucoup d’événements pour lesquels nous n’avons aucune preuve de dépenses « 

Impassibles dans leurs fauteuils, les Sages écoutent la longue liste d’irrégularités relevées dans le récit du candidat de droite non retenu Edouard Balladur est soupçonné par les rapporteurs d’avoir menti sur son nombre de hotlines Il en a déclaré trois (deux à Paris, un à Sète) Cependant, les rapporteurs en ont dénombré au moins 86, après un «recensement certes incomplet», selon Laurent Touvet. des dizaines sinon des centaines d’autres locaux nous restent inconnus « Pas une trace non plus des rencontres tenues pour le candidat à l’étranger » Ce silence ne nous semble pas refléter la réalité de la campagne « , estime le rapporteur

Interrogée quelques jours plus tôt par les rapporteurs sur des factures manquantes pour des réunions animées par Charles Pasqua, François Bayrou ou Nicolas Sarkozy, l’équipe d’Edouard Balladur a tenté de trouver une solution « Pour moi Balladur, les dépenses sans son accord ne sont pas des dépenses de campagne » Les rapporteurs de compte du premier ministre ont du mal à cacher leur mécontentement «Lorsque les ministres de M. Balladur parcourent la France pendant deux mois pour soutenir sa candidature, ils n’ont probablement pas demandé ou obtenu l’autorisation écrite du candidat pour accueillir telle ou telle réunion publique. le candidat soutient-il que ces réunions publiques ont été organisées sans son consentement ou à son insu? ”Demande le rapporteur Touvet

Les membres du Conseil constitutionnel savent qu’un autre parfum de scandale s’est répandu sur les comptes d’Edouard Balladur ces dernières semaines Et la question finit, bien sûr, par être posée par le rapporteur Touvet «La presse a publié des informations selon lesquelles la somme de 24 millions de francs retrouvés par le juge Halphen dans le coffre-fort du Parti républicain provenaient des fonds secrets de Matignon et seraient le reste de la campagne de M. Balladur Cependant, aucun revenu mentionné dans le compte de campagne de M. Balladur ne mentionne pas les fonds secrets de Matignon, une recette également interdite par la loi! », Précise-t-il

Les trois rapporteurs chargés d’étudier le récit d’Edouard Balladur se tournent vers les Sages Ils veulent savoir «quelle action entreprendre sur ces informations» «Sur les fonds secrets de Matignon, je ne crois pas qu’on puisse y entrer, trancher le conseiller Jacques Robert Jetons juste un modeste voile « Noëlle Lenoir est d’accord: » Les fonds secrets ne sont pas notre problème Notre problème, ce sont les dépenses et les revenus « 

Mais un autre point afflige les conseillers Le spectre du dépassement des dépenses autorisées plane sur le compte de l’ancien locataire de Matignon Son compte a déjà des factures de 84 millions Nous sommes donc à six millions du plafond des dépenses autorisées – le plafond fixé par la loi soit 90 millions pour les candidats présents au premier tour de l’élection présidentielle et 120 millions pour les deux qualifiés au second tour – «Alors si vous en rajoutez, on dépasse le plafond», conclut le conseiller Jacques Robert L’horloge indique déjà 17 heures La séance est levée

Le lendemain, les Sages se réunissent à 10 hm Souffrant, Etienne Dailly s’excuse François Loloum, l’un des rapporteurs chargés du récit de Jacques Chirac est invité à entrer dans la salle D’entrée de jeu, il prévient: «Les questions susceptibles de se poser sont assez similaires à celles soulevées à propos de M. Le compte de Balladur »Le compte du président élu atteint le plafond, les dépenses de campagne s’élèvent à 116624893 francs. Cependant, les rapporteurs ont remarqué que de nombreuses réunions du nouveau président n’apparaissent pas dans ses comptes. «Il a visité 21 régions, visité 52 départements et participé à 35 manifestations en province, sans oublier les grandes réunions publiques à Paris», explique François Loloum Des explications seront demandées sur certaines anomalies. Certaines réunions mentionnées dans la presse ne correspondent à aucune dépense identifiée dans le compte »

Les rapporteurs ont également remarqué que Jacques Chirac avait bénéficié de nombreuses permanence et locaux non déclarés dans ses comptes Pendant la campagne, la presse a fait écho à la mobilisation massive apportée par l’appareil du RPR à son candidat «Et pourtant, le rôle joué par le parti reste discret dans les dépenses déclarées, note François Loloum. Tout se passe comme si le compte destiné à la publication avait été composé pour ne pas trop mettre en évidence le rôle effectivement joué par le RPR »

Le Conseil passe à l’examen des comptes du rival de Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle Les rapporteurs se vantent Le compte est complet et bien tenu Lionel Jospin affiche des dépenses de 88 millions, sur les 120 autorisés Le les conseillers suivent rapidement les cas de Philippe de Villiers et de Robert Hue La session touche à sa fin Les membres du conseil partent en vacances, la prochaine réunion aura lieu en septembre Avant de conclure, Roland Dumas fait une dernière remarque qui ressemble à un avertissement «Si un candidat atteint le plafond, il faudra expliquer en détail quelles sont les raisons »Les Sages ont cinq semaines chaudes devant eux pour méditer

Il est 10 heuresm L’heure de la rentrée est arrivée pour les membres du Conseil constitutionnel Etienne Dailly, en meilleure forme, est de retour parmi les sages L’agenda est chargé, mais Roland Dumas prévient qu’il va devoir interrompre la séance assez rapidement «Je dois aller à mon dentiste « Les rapporteurs, qui n’ont eu aucun répit, sont invités à entrer dans la salle » Je n’aurais pas la cruauté de vous demander si vous avez passé de bonnes vacances « , leur dit le président Dumas

Le récit de Jacques Cheminade suscite des interrogations Les rapporteurs s’interrogent sur le profil des personnes qui ont prêté de l’argent au « petit » candidat pour qu’il puisse faire campagne « Nous ne serions pas surpris s’il y avait un détournement », commente le conseiller référendaire à la Cour des comptes Louis Gautier

Pour Arlette Laguiller, c’est un autre problème qui se pose Les sociétés de Billboard lui auraient accordé des remises importantes qui peuvent donc être considérées comme des avantages en nature En fait, « c’est un problème très général », note la rapporteure Martine Denis-Linton. le candidat Chirac, un Safrane lui a été mis gratuitement à disposition. Il y a aussi d’autres remises très importantes »

Un autre candidat semble avoir bénéficié de remises intéressantes « Market Place a accordé au candidat Balladur une remise d’un million de francs sur deux factures », explique le rapporteur Rémi Frentz Ce dernier se plaint de recevoir des réponses insatisfaisantes, voire aucune, lorsqu’elles sont spécifiques les questions sont adressées à l’ancien Premier ministre

Manque de factures et manque de réponses, certains Sages ont l’impression de se moquer du conseiller Jacques Robert s’énerve: «Ce qui me dérange chez M. Balladur c’est l’attitude du candidat face aux questions posées Soit il répond qu’il n’y a pas de dépenses, soit que ce sont les militants qui ont payé, soit que les dépenses apparaissent dans le compte et qu’il a été mal lu, soit que les dépenses ont été faites en sa qualité de Premier ministre, ou enfin qu’elles ont été menées sans son accord Roland Dumas ajoute: «Et si on nous demande des preuves, on nous dit que les documents ont été détruits!» Cependant, le Président du Conseil estime qu’il est préférable de clore la discussion là-bas « Nous nous arrêterons pour le déjeuner »

Les Sages reprennent leur travail à 310 pm Ils sont loin d’être terminés avec les nombreuses irrégularités du récit d’Edouard Balladur

Que faire, par exemple, des nombreux déplacements de ministres en campagne pour Balladur, pour lesquels il n’y a pas d’enregistrement des dépenses dans les comptes? Les Sages peuvent admettre que des chambres ont été prêtées par les communes, pour accueillir Charles Pasqua par exemple Mais qui a payé la sonorisation, interrogent les rapporteurs? « Vous supposez qu’il y a eu un aménagement de la pièce, ce qui est probable, même si M. Pasqua a une voix », ironiquement les membres du Conseil de Roland Dumas ne peuvent s’empêcher de sourire Les rapporteurs insistent pour poursuivre les enquêtes« Je ne passerai pas de midi à 14 heures », leur conseille l’ancien ministre d’État Maurice Faure Etienne Dailly rend hommage à la conscience des rapporteurs, mais nous devons « nous en tenir aux documents dont nous disposons et ne pas assumer ce que nous ne savons pas »

Les rapporteurs tiennent tête aux conseillers et proposent de réintégrer les dépenses n’apparaissant pas dans le récit d’Edouard Balladur En particulier les déplacements des orateurs, dont les ministres de son gouvernement, qui ont sillonné la France pour porter la voix de leur champion De nombreux candidats à la présidentielle ont inclus ce type de dépenses Elles doivent donc aussi être prises en compte pour le candidat Balladur, du moins « par souci d’homogénéité », plaide le rapporteur Rémi Frentz « Mais l’orateur peut-il payer de sa poche? » Dit Roland Dumas

Rémi Frentz insiste: «Que dois-je faire à propos de M. Bayrou, ministre de M. Balladur? C’est encore une dépense de campagne Comment connaître les modalités de son transport? M Balladur a dit qu’il ne savait pas. Il me reste à demander aux intervenants « Roland Dumas l’interrompt: » Voulons-nous aller aussi loin? « 

Le conseiller Robert est dans le même esprit que les rapporteurs Il faut, selon lui, «éviter un manquement à l’égalité avec ceux qui ont déclaré et fourni une facture pour les dépenses» «Avez-vous des factures à utiliser des avions de ligne? Jacques Robert demande à Rémi Frentz «Des factures au nom des intéressés, nous en avons beaucoup au début et pas du tout à la fin…», répond le rapporteur

Roland Dumas semble agacé par le souci du détail des reporters «Il ne faut pas procéder à des réintégrations automatiques», dit-il Rémi Frentz ne démonte pas Comment accepter de ne pas inclure les frais de déplacement d’Edouard Balladur à l’étranger pendant la campagne? Il y est allé trois fois, et pourtant il n’y a pas une seule facture mentionnant ces voyages dans son compte

Après ces discussions tendues sur le sujet des dépenses d’Edouard Balladur, les rapporteurs abordent la question des recettes Point culminant de l’émission: le rapporteur Laurent Touvet s’exprime: «En consultant les livres de la banque, on voit des recettes d’événement en espèces pour 13229 millions de francs A titre de comparaison, ce poste n’excède pas 500 mille francs pour M Jospin Cette somme provient principalement d’une caution de 10250 millions de francs, trois jours après l’élection On attend les explications du candidat Aurait-il fait un pot? « 

10 millions en espèces et grosses coupures, déposés sur un compte quelques jours après l’élection Les Sages le savent, ils ne pourront pas éviter cet élément explosif « Bon, merci, ce n’était pas des plus faciles », par euphémisme Roland Dumas qui demande que nous passions à l’examen du compte de Jacques Chirac Mais le sujet est tout aussi délicat« On voit que plus la campagne touche à sa fin, moins on a de factures, comme pour M. Balladur », explique le rapporteur Frentz

L’un des points noirs de cette comptabilité est les hotlines utilisées pour la campagne du tout nouveau président de la République. Au cours de l’été, Jacques Chirac a accepté que la somme de 650 000 francs soit réintégrée dans son compte de campagne Mais pour les rapporteurs, cela ne suffit pas Martine Denis-Linton demande conseil aux sages pour calculer le coût des services de garde à réintégrer «J’ai l’impression que nous sortons de notre rôle!» Alors dit le conseiller Etienne Dailly Sous prétexte de « faire justice », nous sommes en train d’évaluer un budget de campagne type La loi n’est pas bien faite « Et le conseiller Dailly de conclure: » Je ne me sens pas capable de rejeter un compte de campagne  » Pour la première fois, les rapporteurs estiment que leur travail, aussi minutieux soit-il, ne résistera pas aux considérations politiques «Ce sont des remarques en fin de journée qui invitent à la réflexion, raccourci Roland Dumas J’espère que nous pourrons aller plus vite demain» Il est 630 h 00, la réunion est fermée

À 10 hm, tous les Sages sont autour de la table Roland Dumas a la tête pour une mauvaise journée Il demande à faire venir les conseillers Il y a eu des fuites sur le travail du Conseil dans la presse du matin Et le coupable est forcément dans la salle « Je suis très désolé, « a laissé échapper le président

Le travail commence, les Sages et les rapporteurs sont très critiques sur la tenue du compte de Jean-Marie Le Pen Le candidat FN aurait pu bénéficier d’avantages en nature des entreprises avec lesquelles il est proche

La réunion est moins tendue que la veille, mais à sa fin, Roland Dumas prévient les sages: «Le Conseil fait un travail sérieux mais nous rencontrons des difficultés sur deux dossiers, ceux de MM. Balladur et Chirac Nous nous rapprochons du plafond avec tout ce que cela implique… »

Les rapporteurs ont quitté la salle « Ils sont sérieux et scrupuleux », a déclaré le président du Conseil constitutionnel à leur sujet Mais au-delà des considérations techniques, il y aura des considérations politiques qu’il nous appartiendra de définir »Jacques Robert hoche la tête:« Ils sont libres de décider, mais politiquement c’est à nous d’agir »Les sages esquissent l’épreuve de force qui va se jouer dans le mois à venir, et dont ils ont l’intention de sortir victorieux

La session commence à 14h50m On évoque à nouveau le récit problématique de Jacques Cheminade Le 1Le prêt de 5 millions de francs qui lui a été accordé a, selon le Conseil, «tous les aspects de la fraude» L’avocate Noëlle Lenoir prévient qu’elle n’exclut pas un rejet du compte «C’est une fraude flagrante mais dont nous n’avons aucune preuve physique Le Conseil n’est pas un juge pénal, pourtant la loi l’oblige à appliquer ces textes »Une fermeté qui contraste étrangement avec les circonvolutions juridiques qui émergent autour des récits de Jacques Chirac et Edouard Balladur

Les cas des récits des deux candidats de droite ne peuvent pas être discutés lors de cette séance Raison invoquée: ce sont les seuls qui n’ont pas répondu aux questions des rapporteurs à temps

Un tiers des Sages est absent ce matin Roland Dumas veut débuter la séance avec les comptes de Jean-Marie Le Pen Le rapporteur se plaint de n’avoir obtenu du leader du FN aucun document justifiant les ventes de gadgets et autres t -shirts pendant la campagne «Nous examinons également cette question avec les autres candidats Et nous verrons laquelle était la plus ingénieuse! », Ironise le président du Conseil constitutionnel Ce à quoi le rapporteur répond avec mépris, se référant aux grosses coupes dans la campagne d’Edouard Balladur: «Attention! Ici, ce ne sont pas des billets de 500 francs! Nous n’avons aucune réelle inquiétude quant à l’origine de ces sommes. Il y a beaucoup de chèques de 10 francs »

La question des remises accordées à Jean-Marie Le Pen refait surface Des remises allant jusqu’à 90% auraient été accordées au candidat Un rapporteur propose de les reclasser en «avantages en nature» Roland Dumas n’est pas d’accord: «Nous avons déjà eu un débat sur ce point et a accepté le principe de la réalité des remises « Un autre Sage, Georges Abadie, dit qu’il » se contentera d’un semblant de justifications « Maurice Faure est dans la même position: » Nous n’allons pas rejeter un compte pour un quelques centaines de francs! « Le rapporteur Bellon a protesté: » Mais c’est 34 millions! » Roland Dumas précise alors que les sages ont accepté le principe d’une éventuelle reprise du compte, « pour affichage » mais pas un rejet

Le conseiller Dailly rejoint ses pairs autour de la table Juste au moment où il faut à nouveau évoquer la campagne d’Edouard Balladur Le rapporteur Touvet présente un tableau des paiements en espèces non accompagné de pièces justificatives La caution de 10 250 000 francs en espèces pour la journée d’avril 26 attire l’attention Mettre un tel butin en banque d’un coup est d’autant plus étrange que deux jours plus tôt l’équipe de campagne était venue au Crédit du Nord pour déposer 210 francs

Selon le conseiller d’Etat Laurent Touvet, l’équipe d’Edouard Balladur est incapable de fournir une justification crédible de ces 10 millions «Le candidat nous a dit que la somme correspondait au produit de la vente de divers articles: t-shirts, casquettes, briquets , stylos, épingles, autocollants, etc., ainsi que le produit des quêtes effectuées lors des différents événements de la campagne A cet égard, nous notons que le compte présente des factures d’achat ou des articles similaires pour 965886 francs seulement »

Apparemment gêné par l’insistance des rapporteurs, le représentant du candidat Balladur a fini par répondre au Conseil que « le code électoral n’exige pas de justifier le détail des recettes collectées » La seule pièce que les rapporteurs ont pu récupérer était un détail récapitulatif du Crédit du Nord, indiquant que cette somme versée le 26 avril consistait principalement en billets de 500 francs

Les Sages ne sont pas dupes «Le seul document est donc celui du Crédit du Nord… Des questions? Les choses sont claires… », lâche Roland Dumas Le conseiller Michel Ameller semble gêné« Quelle dissémination doit-on donner à la lettre de la banque? Il demande Je pense en particulier à la phrase sur les billets de 500 francs… »Cette lettre doit être communiquée au candidat, a répondu le président du Conseil constitutionnel

A aucun moment, donc, au cours des débats, les Sages n’ont évoqué un éventuel rapport aux tribunaux de cette étonnante circulation d’espèces parmi les balladuriens.Ce n’est que des années plus tard que journalistes et magistrats ont fait un possible lien entre ce trésor et rétrocommissions sur les contrats d’armement signés par le gouvernement Balladur avec le Pakistan et l’Arabie saoudite

En septembre 1995, l’examen approfondi des comptes de l’ancien Premier ministre réserve également d’autres surprises La découverte de généreux mécènes qui ont dépassé la limite légale des dons C’est le cas de François Pinault – pourtant un grand ami de Jacques Chirac – qui a versé, selon les rapporteurs, deux dons en espèces de 30000 francs à Edouard Balladur Pour 18 réunions, les factures de transport des militants sont également manquantes

La liste des dépenses manquantes s’allonge encore et encore « Dans ces conditions, il est proposé de réintégrer une somme forfaitaire dans les comptes », explique le rapporteur Frentz, qui doit adresser une lettre à l’ancien locataire de Matignon Le Conseil chipote alors sur le libellé à adopter «_Il ne faut pas écrire dans le projet de lettre« il est proposé de réformer », mais« il est possible de »_, dit le secrétaire général Olivier Schrameck Roland Dumas veut prendre encore plus de gants et propose:« il pourrait être considéré comme «Désormais, il est clair que, face aux sages, les rapporteurs auront peu de marge de manœuvre

Après une suspension, la réunion reprend avec l’examen du compte Chirac « Ça ira plus vite », dit un journaliste « car c’est le même problème qu’avec Balladur » En effet, les raisons de réforme ou de réintégration sont nombreuses 15 dons sont au-delà du seuil légal Mais le vrai problème, insistent les hauts fonctionnaires, c’est les locaux du candidat L’équipe de Jacques Chirac a accepté qu’une partie des loyers non déclarés soit réinjectée dans le compte Le souci c’est qu’il y en a au moins 38 millions à réintégrer Les sages le savent, le président de la République a « brisé le plafond »

Les membres du Bureau se sont déjà réunis la veille, pour valider plusieurs comptes Ce matin ils ont une lourde responsabilité Les rapporteurs leur demandent de rejeter celui de Jacques Cheminade « Les dispositions dénoncées dans le rapport et les soupçons de fraude sembleraient plaider pour une transmission à l’autorité judiciaire « , indiquent également les hauts fonctionnaires La décision est mise aux voix Le compte de Jacques Cheminade est rejeté à l’unanimité Quelles que soient leurs décisions futures sur d’autres comptes, les Sages ne peuvent être accusés d’être trop laxistes

La session commence à 9 heures40 unm C’est au tour de Jean-Marie Le Pen de se fixer sur son sort Les rapporteurs ne proposent pas un rejet du compte, mais une réforme de nombreuses dépenses

Pour Edouard Balladur en revanche, Laurent Touvet demande sans surprise au Conseil d’administration d’invalider son compte Le dépôt des 10 millions en espèces est, en soi, un motif de rejet Le rapporteur du Conseil d’Etat a anticipé les réticences de la Sage « Au cas où le Conseil constitutionnel n’accepterait pas ce motif de rejet, voici l’examen des dépenses «Le constat est accablant pour le rival de Jacques Chirac Plus de 12 millions de dépenses« oubliées »par le candidat doivent être réintégrées dans le compte

Visiblement agacé après avoir écouté les recommandations des rapporteurs, Etienne Dailly lâche prise: «Depuis le début de ce débat, nous nous enfermons dans un cadre, une toile dans laquelle nous allons trébucher Comment rejeter comptes? Je ne me vois pas »Roland Dumas l’interrompit:« C’est un point très important qu’il faut traiter en délibération réelle… »Clairement, lorsque les sages sont entre eux, à huis clos La réunion est suspendue

Avant la reprise, le président du Conseil constitutionnel tient à recadrer les sages: «Ce matin nous avons dû écouter la présentation des rapports, mais la réunion a glissé et nous avons commencé à délibérer en présence des rapporteurs , commentant leurs conclusions, désolé Roland Dumas Ils ont été « offensés » et faites-le moi savoir Je voudrais donc que nous respections certaines règles « Le président du Conseil doit faire preuve de compétence Lorsque les rapporteurs reviennent, ils leur assurent que la délibération ne être fait sans eux…

Devrions-nous réduire les dépenses du candidat Balladur, demandent les sages? Dans ce cas, le compte ne serait plus en équilibre «Quand on peut augmenter les revenus de manière plausible, on le fait, explique le conseiller Jacques Robert C’est probablement impossible ici »

Le reporter Frentz comprend que les sages sont réticents à rétablir certaines factures. Son mécontentement transparaît à travers « Ce qui empêche le Conseil de se limiter à constater que certaines dépenses ont été faites, certains avantages en nature accordés, afin de constater que le plafond a été dépassé et refuser le compte? « , lance Rémi Frentz

La tension monte à nouveau Les responsables qui ont scruté les comptes de Jacques Chirac s’apprêtent à formuler leurs recommandations Laurent Touvet franchit le pas: il demande le rejet du compte du président en exercice « au vu de toutes les irrégularités liées au dépassement de la plafond légal des dépenses autorisées »Des anomalies ont été trouvées partout, que ce soit dans les dépenses ou les revenus

Visiblement dérangé, Roland Dumas oublie les règles du décorum Et coupe les rapporteurs au milieu de leur présentation « Il est inutile de lire la décision, lâche-t-il, car, à partir du rapport, on en a compris le sens C’est la même structure et la même méthode que pour M. Balladur »

Les rapporteurs quittent la salle Certains membres du Conseil se sentent trop zélés Ou qu’ils ont tout simplement trop bien fait leur travail «Ils n’ont rien laissé au hasard, admet Roland Dumas Ils sont allés au maximum de la loi» Les sages n’en ont plus que deux options, explique le président du Conseil: « soit on les suit, soit on fait preuve d’imagination et de compétence » réagit Maurice Faure: « On est très attendu Pas par la grande messe Ils ont oublié, c’est arrivé Mais les dîners parisiens nous attendent C’est délicat »

Une situation d’autant plus délicate que, contrairement à Edouard Balladur, Jacques Chirac a informé le Conseil qu’il n’était pas opposé à ce que certaines de ses dépenses non comptabilisées soient réinjectées dans son compte de campagne. Le conseiller Georges Abadie le résume ainsi: «C’est plus difficile de réduire M. Chirac que celle de M Balladur, car M Chirac a accepté des réintégrations qui nous lient »Et les conséquences pour le président élu peuvent être graves« Les acceptations le font tanguer très fort Et ça déborde!, S’inquiète le conseiller Abadie Enlever 42 millions de francs, je ne sais pas comment m’y prendre « 

Un autre sage, Marcel Rudloff, estime que les rapporteurs ont été beaucoup trop durs «Personnellement, je trouve ça excessif!» «Cela signifie-t-il que vous allez dans le sens d’une baisse des dépenses sous le plafond?, Demande Roland Dumas à ses pairs Si vous ne pouvez pas, comment en sortir? « 

Les Sages marchent sur des coquilles d’œufs «Il faut faire attention aux rapporteurs, prévient Jacques Robert Ils parcourent les comptes depuis longtemps Il ne faut pas se discréditer à leurs yeux En rédaction, on peut s’en tirer sans dire le mot « rejet » On peut s’occuper des choses « La réputation de l’institution est aussi en jeu » On ne peut pas tout détruire, on perdrait la face « , dit aussi Noëlle Lenoir m Balladur ne nous facilite pas la tâche Il y a eu une fin fulgurante de sa campagne Le point délicat, ce sont les 10 millions de francs Si vous ne fermez pas les yeux, c’est le rejet automatique « L’avocat se demande s’il y a une alternative » Peut-on permettre un dépassement de 4% (dans les comptes du candidat, ndlr)? « 

« Ce n’est pas possible, c’est contre la loi », a répondu Jacques Robert « La loi est sujette à interprétation », rétorque Michel Ameller pour qui« s’il y a dépassement, on peut essayer de ne pas rejeter »le secrétaire général Olivier Schrameck prévient:« Ce serait la première fois que le Conseil se prononcerait contre la loi dans les contentieux électoraux Les risques sont alors énormes et même fatal Le Conseil constitutionnel serait critiqué en termes d’opportunité et de droit »

Surtout, logiquement, si les comptes d’Edouard Balladur doivent être rejetés, alors ceux de Jacques Chirac le seront aussi Et que, le conseiller Dailly est contre «je ne me verrais pas rejeter le compte du président élu je ne verrais pas moi-même rejetant son récit et je serais très gêné s’il y avait un élément décisif »Etienne Dailly est prêt à fouler aux pieds le travail des rapporteurs Et il le prend parfaitement:« Je me fiche de ce que les rapporteurs pensent de moi je leur dois pas de compte Nous, nous avons prêté serment, pas eux. J’apprécie beaucoup cette délibération entre nous ”

Ce 4 octobre, les rapporteurs sont exclus de la réunion Les Sages souhaitent discuter à huis clos La session sera cruciale Si les membres du Conseil décident de rouvrir le compte d’Edouard Balladur, ils auront du mal à « sauver « celui de Jacques Chirac Et cela pourrait provoquer une crise politique majeure » Nous n’allons pas rejeter un récit aux conséquences politiques que l’on connaît « , assume d’emblée Noëlle Lenoir

Pour y parvenir, ils doivent écarter plusieurs millions de frais que les rapporteurs proposent de réintégrer dans les comptes des deux candidats Mais il reste encore à trouver un cadre légal C’est le secrétaire général de l’institution, Olivier Schrameck, qui les a fournis avec la solution, sous la forme d’une note de six pages Il analyse l’article L52-12 du code électoral La loi considère les dépenses de campagne les dépenses directement liées au candidat, mais aussi celles engagées par ses partisans Il faut aussi que le candidat a expressément donné son accord à ceux qui militent en son nom Le raisonnement d’Olivier Schrameck est subtil: sans l’accord formel du candidat, toute dépense occasionnée par le soutien n’a pas à être comptabilisée Sortir donc les bus des militants affrétés par les sections locales, le privé les jets des ministres en tournée de soutien, les hotlines de campagne dans les départements, etc.

Le reste de la séance est surréaliste Pendant trois heures, les Sages jouent aux apothicaires avec les comptes du Président Ils coupent autant qu’ils le peuvent dans les dépenses, dégraissent autant que possible

Si cette réunion est décisive dans le processus de validation du récit de Jacques Chirac, elle marque aussi une scission au sein du conseil d’administration sur l’attitude à adopter pour celui de Balladur Trois heures de huis clos tendus et une discussion animée sur l’ancien Premier ministre l’affaire conduit à un soulagement général clair qu’une solution a été trouvée pour valider le compte du nouveau chef d’État

«On peut commencer par les loyers», précise le secrétaire général Olivier Schrameck Les rapporteurs avaient proposé de réintégrer dans les comptes de Jacques Chirac les loyers d’un RPR permanent «La somme correspond à l’utilisation de 80% pendant des mois de ces locaux», précise Olivier Schrameck «Comptons quatre mois à seulement 50%!» Suggère Georges Abadie «Et pour les autres locaux, on abandonne», explique Roland Dumas Olivier Schrameck ralentit son président dans ses élans: «C’est un peu rapide L’existence de ces locaux (campagne, ndlr) a été reconnue par le candidat « 

Roland Dumas nous le rappelle: Jacques Chirac a accepté de réintégrer les dépenses de deux millions de francs dans son compte «Nous sommes 13 millions au-dessus du plafond! » Et pour les voyages dans les DOM qui n’apparaissent pas dans le récit de Jacques Chirac, que faire? Les conseillers acceptent de passer l’éponge « J’ai fait une estimation rapide qui s’est approchée du plafond, sans le dépasser », explique Olivier Schrameck Sourires sur les visages « Il est sauvé! » S’exclame Maurice Faure Jacques Robert modère son ardeur: «Il est sauvé si vous supprimez les rencontres sans Jacques Chirac avec les invitations, les tracts et les coachs»

Le récit Balladur demeure Si apparemment aucun des Sages ne veut prendre le risque de provoquer une crise de régime en rejetant les récits d’un homme déjà installé à l’Elysée, le cas de son rival de droite divise profondément les membres de la Conseil

Roland Dumas explique clairement le problème: «M Balladur a versé sur le compte de l’agent une somme de 10 millions de francs en une fois La question a été posée au candidat, comme elle a été posée à M Chirac pour une somme de 3 millions francs La réponse était la même: ce sont des collections lors de réunions, des ventes de gadgets, etc. Évidemment, le conseil d’administration peut rejeter le compte Balladur de M pour cette raison. Cependant, j’attire votre attention sur les risques: les commentateurs peuvent se demander ce qui s’est passé dans M. Chirac… »

Noëlle Lenoir se dit néanmoins favorable à un rejet du compte de l’ancien Premier ministre « Pour les 10 millions de francs, la banque a répondu qu’il s’agissait du paiement, en quatre sacs, de billets de 500 francs. Pour le candidat, ce sont ventes de gadgets Pouvons-nous vraiment ignorer tout cela? En conscience, je pense que c’est difficile de fermer les yeux »

Maurice Faure fait semblant de s’interroger: «N’avons-nous pas le droit de mettre de l’argent de côté et, au dernier moment, de l’utiliser pour financer notre campagne?», avant de rattraper: «il est vrai que la réponse du candidat n’est pas crédible… »Et Maurice Faure a ajouté, quelques minutes plus tard:« Je ne dis pas que M. Balladur est innocent Tout le monde sait très bien d’où vient cet argent… »

« J’ai les mêmes difficultés de conscience que Mme Lenoir », a déclaré le conseiller Jacques Robert Je ne vois pas comment on peut jeter un modeste voile sur une telle recette sans aucune justification Vous pouvez être indulgents sur les dépassements de budget, mais si vous laissez tomber, le conseil perd de sa crédibilité! « 

Georges Abadie les prévient: «Chez M Chirac aussi il y a un versement unique de 3 millions de francs Où met-on la barre? En fait, la suspicion que nous avons dans les deux cas est la même »

Les Sages retournent le problème un peu partout Mais ne trouvent pas de solution « Dans ces conditions, tant qu’on ne rejette pas le compte de M de Chirac, il est difficile de rejeter le compte de M Balladur sur le même terrain », analyse Etienne Dailly

Pour Roland Dumas, il est temps de se prononcer «Je consulte le forum sur la question suivante: acceptez-vous de rejeter le compte de M? Balladur sur l’émission de 10 millions de francs? ”Silence pesant dans la salle Quatre bras se lèvent Ceux de Noëlle Lenoir, Jacques Robert, Michel Ameller et Marcel Rudloff

Roland Dumas et les quatre autres conseillers refusent le rejet des comptes d’Edouard Balladur «Le vote est acquis, conclut le président du Conseil Ce n’est pas par cinq voix « Pour ne pas avoir à répondre à des questions embarrassantes au nom du Président élu, il fallait donc » sauver Balladur « Asseyez-vous sur la loi au nom d’une prétendue raison d’Etat

Ce matin, aucun membre du Conseil ne manque Les rapporteurs sont de retour, ils ignorent encore la stratégie développée la veille par les sages pour réussir à maintenir à flot les comptes du président Chirac Roland Dumas prépare le terrain, expliquant que les conseillers ont a opté pour un « raisonnement juridique subtil » qui « tient compte des considérations politiques concernant la situation du chef de l’Etat » Les rapporteurs sont confrontés au fait accompli Les Sages ont décidé d’effacer les irrégularités constatées dans les comptes « En cas de doute, ce doute doit être favorable au candidat, comme à un accusé « , commente l’ancien ministre Maurice Faure

Roland Dumas énumère ensuite les dépenses que les Sages n’entendent pas imputer à Jacques Chirac Le Président du Conseil souhaite savoir quand les rapporteurs pourront rédiger la proposition de délibération Dans son procès-verbal, le secrétaire du Conseil note ce silence envahit la pièce…

Roland Dumas demande aux rapporteurs de les suivre dans son bureau, pour un entretien à huis clos. Ces derniers consacreront les heures suivantes à la rédaction de leur proposition au nom de Jacques Chirac avec le secrétaire général du Conseil

Pendant ce temps, la session se poursuit sans eux « Il est essentiel que nous terminions ce soir, prévient Roland Dumas Nous ne pouvons pas laisser les projets de décisions revenir à la nature » Nous devrons nous asseoir tard « Je diner avec l’ex -président de la RDA, je vais l’annuler J’insiste sur la nécessité d’avoir un quorum, c’est pourquoi je pourrais admettre des obstacles sanitaires, mais non liés à des événements sociaux », prévient le président du Conseil constitutionnel

À 6 ans15 pm, les rapporteurs sont rentrés en salle avec un projet de décision Mais le récit de Jacques Chirac montre toujours un dépassement important Les Sages vont à nouveau planifier les dépenses Roland Dumas propose de supprimer les autres réunions publiques du compte de campagne «Le candidat était-il à toutes ces réunions?» Demande au Président du Conseil «Non, seulement 22», répond le rapporteur Frentz Jacques Robert tranche: «on se divise par deux» Roland Dumas acquiesce: «On retient 800 000 francs»

Vient la question des déplacements du candidat Chirac Maurice Faure prend le cas d’un déplacement effectué sept mois avant l’élection «On peut supprimer ça!», dit Noëlle Lenoir «Qui accepte de couper ces 120 000 francs?» Demande à Roland Dumas Les Sages lèvent tous la main

« Eh bien, où en sommes-nous avec les chiffres? » demande le président du Conseil constitutionnel « D’après mes calculs, le surplus ne serait que de 61 238 francs », répond le rapporteur Rémi Frentz « Les 100 000 francs de l’immeuble près du siège sont une estimation assez imprécise En les supprimant, on passe sous la barre », Suggère le rapporteur Loloum« Qui est de supprimer ces 100 000 francs? » Demande à Roland Dumas Tous les Sages sont pour Le compte est fermé, « sous réserve d’examen par M. Balladur », explique Roland Dumas

Les rapporteurs pour le récit d’Edouard Balladur suggèrent que leur main a été forcée de changer leur décision «Nous avons rédigé les considérants à la lumière de votre interprétation», déclare le rapporteur Laurent Touvet qui poursuit: «Nous ne l’avons plus inclus [dans le compte] ce que vous avez supprimé ce matin », explique le conseiller d’Etat Laurent Touvet« Avec les 250000 francs de frais de bus que nous avons pu éliminer, nous sommes proches du but « , lâche le président Dumas

Il s’agit de la dernière session «Faites venir les rapporteurs adjoints! demande le président Dumas Mesdames et Messieurs, nous sommes dans la dernière ligne droite! ”Les rapporteurs présentent un projet de décision au nom d’Edouard Balladur en ligne avec ce que voulaient les sages Fin de l’histoire

«Avant de nous séparer, ajoute Roland Dumas, je voudrais remercier le secrétaire général pour le travail qui a été organisé de manière impeccable et collégiale, collectivement je vous remercie et vous félicite»

Entrée

seconde

Présidentielle française de 1995, Jacques Chirac, Conseil constitutionnel, Édouard Balladur, Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique, Roland Dumas

Actualités du monde – FR – Présidentielle 1995: quand la Constitutionnelle Le Conseil a manœuvré pour « sauver » le président Chirac



SOURCE: https://www.w24news.com/news/world-news-fr-prsidentielle-1995-quand-le-conseil-constitutionnel-a-manoeuvr-pour-sauver-le-prsident-chirac/?remotepost=441128

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