World news – Hommage à Bertrand Tavernier: dans le secret d’un cabinet

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« Avec » Quai d’Orsay « on se retrouve dans une réalité moderne et contemporaine, celle d’un cabinet de ministres (…), c’est aussi une sphère dont je ne savais pas tout, c’est-à-dire diplomatie ouvrière au quotidien. Mais ce qui déclenche toujours mon envie de cinéma, c’est l’exploration de mondes, d’époques et d’environnements inconnus de moi. »(Bertrand Tavernier, commentaires du site Allocine.fr).

Lyonnais, président du Lumière Institut, cinéaste, critique et cinéphile légendaire, Bertrand Tavernier, est décédé ce jeudi 25 mars 2021 à Sainte-Maxime, où il résidait un mois avant ses 80 ans (il est né à Lyon le 25 avril 1941).
Enfant, il habite la maison de Louis Aragon et Elsa Triolet Young, associé de Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Melville et Stanley Kubrick, passionné de cinéma américain. Bertrand Tavernier était scénariste, réalisateur et producteur. En cinquante ans, il a réalisé une trentaine de films, souvent dans des styles très différents (drame, thriller, fresque historique, comédie, etc.).
Il était surtout connu pour « L’Horloger de Saint-Paul » (sorti le 16 janvier 1974 avec Jean Rochefort, Jacques Denis), où Philippe Noiret, acteur préféré, avait le premier rôle comme dans plusieurs autres de ses films, comme « Let Die. » Party begin « (publié le 23 mars 1975 avec Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Marina Vlady, Nicole Garcia et Michel Blanc), » Le Juge et l’Assassin « (publié le 10 mars 1976 avec Isabelle Huppert ) Michel Galabru, Jean-Claude Brialy, René Faure, Yves Robert), « Coup de Torchon » (publié le 4 novembre 1981 avec Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Guy Marchand, Gérard Hernandez),  » La vie et rien d’autre »(publié le 6 septembre 1989 avec Sabine Azéma) et« La Fille de d’Artagnan »(publié le 24 août 1994 avec Sophie Marceau, Claude Rich, Jean-Luc Bideau et Sami Frey), Charlotte Kady ).
Il a reçu cinq Césars pour « Que la fête commence » (1976), « Le juge et l’assassin » (1977), « Un dimanche dans les pays » (publié le 11 avril 1984 avec Louis Ducreux, Michel Aumont et Sabine) Azéma) et « Capitaine Conan » (publié le 16 octobre 1996 avec Philippe Torreton, Samuel Le Bihan, Bernard Le Coq, Catherine Rich, François Berléand, Claude Rich et André Falcon). Il avait un Ours d’or (à la Berlinale) pour « L’Appât » (sorti le 8 mars 1995 avec Marie Gillain, Olivier Sitruk, Bruno Putzulu, Richard Berry, Clotilde Courau, Philippe Torreton, François Berléand) et deux Golden Lions ( à la Mostra de Venise) pour « Autour de minuit » (sortie le 24 septembre 1986 avec Dexter Gordon et François Cluzet) et pour son ensemble (2015).
Il a également été nominé vingt fois pour d’autres Césars et une fois pour un Oscar, notamment pour « La Mort en direct » (sortie le 11 janvier 1980 avec Romy Schneider), « L.627 » (sortie le 9 septembre 1992). avec Charlotte Kady, Didier Bezace, Jean-Paul Comart, Philippe Torreton, Nils Tavernier, « La Princesse de Montpensier » (publié le 3 novembre 2010, avec Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet, Raphaël Personnaz, Lambert Wilson Michel Vuillermoz, Philippe Magnan, Judith Chemia et Florence Thomassin). Pour les Césars, il faudrait les compter par douzaine si l’on prenait en compte tous les Césars qui ont reçu ses films. En plus de ces prix prestigieux, Bertrand Tavernier a reçu de nombreux autres prix et conseils qui démontrent qu’il est largement reconnu dans son milieu professionnel et à l’international.
Pour compléter le tableau on pourrait aussi citer « Une semaine de vacances » (publié le 2 juin 1980 avec Nathalie Baye, Gérard Lanvin, Philippe Léotard, Michel Galabru et Philippe Noiret), « Papa nostalgie » (publié le 5 septembre). 1990, avec Jane Birkin, Odette Laure, Charlotte Kady et Dirk Bogarde), «Ça commence aujourd’hui» (publié le 12 mars 1999, avec Philippe Torreton, Maria Pitarresi, Emmanuelle Becot), «Lettre-Passant» (publié le 9 mars , 1999). Janvier), 2002, avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès, Charlotte Kady, Marie Desgranges, Marie Gillain), « Holy Lola » (publié le 24 septembre 2004, avec Isabelle Carré, Jacques Gamblin, Bruno Putzulu, Lara Guirao ) et aussi « In the Electric Fog » (sortie le 15 avril 2009), une production franco-américaine. Il a également réalisé un court métrage en hommage à Aung San Suu Kyi (prix Nobel) dans le cadre du film collectif « Against Oblivion » (sorti le 11 décembre 1991).
Pour lui rendre hommage, je préfère revenir sur l’un de ses films les plus récents (sinon le dernier), un excellent film, « Quai d’Orsay » (sorti le 6 novembre 2013). J’ai apprécié ce film, mais au début j’étais très inquiet.
Il s’agit d’une adaptation d’une très belle bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac, publiée en deux volumes par Dargaud en 2010 et 2011. On sait généralement qu’il est très difficile de passer d’une bande dessinée à un film car le dessin donne déjà une bonne idée des personnages, mais la plupart du temps leurs voix manquent. Et au-delà de cette généralité du passage de la bande dessinée au cinéma (certains l’ont fait, par exemple pour Astérix, ce qui n’était pas évident), l’histoire elle-même retrace des faits réels de la vie politique, ce qui signifie que le réalisateur du film avait déjà deux «modèles», le bande dessinée et réalité (connue de tous), et il fallait donc être innovant pour que cela fonctionne bien sous forme cinématographique, sans trop s’en tenir aux «modèles» mais sans trop s’en éloigner aussi. Bref, une ligne de crête qui est également dessinée par une sélection d’acteurs très raisonnable.
Christophe Blain est un caricaturiste, les lignes sont à la fois mal faites et leur mouvement très réaliste, son style est très personnel et sert l’histoire qu’il est bon de raconter. Abel Lanzac, quant à lui, est un nouveau venu dans le monde de la bande dessinée. Il a ramené le grain au sol, une histoire telle qu’elle ne sera jamais vue par le public. Pendant longtemps c’était un pseudonyme jaloux, mais maintenant qu’il s’est définitivement déçu côté artiste (il a tourné son premier film en 2019, qui a été nominé aux César du meilleur film en 2020), sa révélation n’a plus grand-chose Conséquence: il s’agit d’un (jeune) diplomate, Antonin Baudry, brillant diplômé (X-Ponts et Normalien au sens littéraire!) qui a été engagé comme conseiller linguistique du ministre des Affaires étrangères, qui n’est rien de plus qu’une parodie de Dominique de Villepin.
Le titre a peut-être emprunté à celui du film de Tom Hoffer « A King’s Speech » (sorti le 24 décembre 2010) puisque toute l’édition du film précède l’écriture du célèbre discours de Dominique de Villepin le 14 février 2003 Conseil de sécurité de l’ONU contre la guerre en Irak (celui de la «vieille Europe»). En tout cas, c’est le principe directeur et le prétexte pour enregistrer le quotidien d’un important cabinet des ministres de la république, son faste, mais aussi ses contraintes budgétaires (le conseiller doit se contenter d’un bureau précaire entre photocopie et secrétariat) . . Une chronique sociale vue de l’intérieur, car grâce au scénariste de la bande dessinée, on peut voir que c’est la vraie vie. De plus, les deux auteurs de la bande dessinée ont contribué au scénario du film avec le réalisateur lui-même.
Pour cette mission impossible, Bertrand Tavernier a montré son savoir-faire et son talent de cinéaste. Et d’abord, le choix des acteurs. En choisissant Thierry Lhermitte comme ministre, le directeur a pris un certain risque. J’avais même quelques inquiétudes avant d’aller le voir. Certes Thierry Lhermitte est un très bon acteur, et en plus il a l’âge, la capacité d’être une autorité (il joue souvent des rôles CSP), mais sa très forte personnalité, notamment sa célébrité, aurait pu nuire à son personnage car évidemment si elle étaient sur un acteur va, la question demeure toujours: qui est derrière qui? l’acteur derrière le personnage ou vice versa? Le résultat est une belle réussite: Thierry Lhermitte correspond tout à fait au personnage décrit dans la bande dessinée.
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La mission n’était pas de tomber amoureux des dessins animés. Dans les commentaires rapportés sur le site Allocine.fr, Bertrand Tavernier s’est réjoui: «Dès les premières lectures, il [Thierry Lhermitte] m’a proposé une idée originale qui lui a permis d’adopter le personnage: faire chaque déclaration d’un geste double. Extravagant, censé illustrer. (…) C’est d’autant plus gratifiant que Thierry a joué de nombreux rôles sérieux tant au cinéma qu’au théâtre ces dernières semaines. Là, j’ai eu l’impression de réactiver la Lhermitte délirante des années glorieuses et ma maturité au-delà. « .
Mais l’alchimie n’aurait jamais eu lieu sans le choix de deux autres acteurs clés. D’abord Niels Arestrup comme « dircab » (chef de cabinet) du ministre, poste crucial qui navigue entre les ministres (et même l’Elysée) et coordonne l’action des conseillers du cabinet. Ces conseillers sont aussi des personnalités fortes qui veulent leur « peu de graisse » dans chaque action, quitte à prendre des coups bas (Julie Gayet, l’assistante du dircab, utilise son charme pour enfoncer des couteaux dans le dos). Le choix de Niels Arestrup est même génial, il est exactement le personnage de la bande dessinée au point que l’on se demande si le créateur n’a pas été inspiré par l’acteur pour créer son personnage. Cela lui a valu César comme meilleur acteur de soutien. Sa voix, son ton apaisant, n’était pas du tout naturel, chez lui il fallait s’entraîner, se mettre à sa place… L’ambassadeur Pierre Vimont, la véritable identité de Dircab.
Le choix du héros, du personnage principal, du conseiller linguistique inexpérimenté, de l’ouverture, de la petite souris qui découvre le monde fascinant des ministères et de la diplomatie français, incarne ce personnage de Raphaël Personnaz, également avec la même justesse. J’ai découvert l’acteur la même année, quelques jours plus tôt, avec un autre rôle qui était également très difficile à jouer, puisqu’il était le bouc émissaire de Benjamin Mallaussène des célèbres romans de Daniel Pennac, dont le premier volume a été adapté pour le cinéma par Nicolas Bary était en vedette dans « Au Bonheur des Ogres » (publié le 16 octobre 2013 avec Bérénice Bejo, Mélanie Bernier, Emir Kusturica, Thierry Neuvic et Guillaume de Tonquédec).
En général, tous les autres acteurs aussi, en particulier ceux qui jouent les conseillers, sont excellents et ne s’écartent pas de l’esprit de l’œuvre originale, tout comme la très charmante Jane Birkin qui assume le rôle de lauréate du prix Nobel de littérature étrangère. , ce qui est impossible d’en placer un à déjeuner avec un ministre qui crache sur elle ses notes biographiques dans un monologue permanent.
Le personnage de Thierry Lhermitte est en colère dans la foi en ses obsessions et fascinant dans sa vision de la politique et du monde en général, même s’il peut parfois conclure que nous sommes à la veille de la troisième guerre mondiale.
Evidemment, Bertrand Tavernier a su «manœuvrer» tous ces excellents acteurs dans une sauce commune et collective malgré les fortes personnalités. Je crois que c’est l’exemple d’un bon metteur en scène: ne pas laisser les acteurs courir librement et les diriger d’une main ferme afin de réaliser l’esprit général de l’histoire. Sans forcément imposer la terreur sur le plateau.
Le film se permet un petit clin d’oeil anachronique et est totalement absent de la bande dessinée: En secret on voit l’actuel ministre de l’Économie, des Finances et des Loisirs Bruno Le Maire comme un député majoritaire qui félicite «le ministre» pour son intervention en demi-cercle. Pourquoi un tel clin d’oeil? Car la description de la vie d’entreprise manque d’un caractère que tous les autres conseillers ont négligé: Bruno Le Maire, diplomate, devenu alors le dircab de Dominique de Villepin à Matignon avant d’entrer dans la vie politique (où il a été) élu député en juin 2007 pour le vôtre, puis candidat à l’élection présidentielle avant de rejoindre Emmanuel Macron).
Pourquoi est-ce Bertrand Tavernier qui a réalisé ce film? Il n’était pas familier avec la bande dessinée, et lorsqu’un ami lui a fait lire, il a été intrigué et le lendemain a commencé des négociations pour acheter les droits de personnalisation. Les deux auteurs de bandes dessinées avaient reçu trois demandes de personnalisation, dont une pour une série. Au départ, Antonin Baudry ne voulait pas d’une adaptation cinématographique pour garder le goût de l’œuvre originale, mais Bertrand Tavernier finit par le convaincre que ce serait un plus et non un moins. Les trois (les deux scénaristes et le réalisateur) se sont ensuite rencontrés à New York, où Antonin Baudry était en poste, pour écrire le scénario ensemble. Bertrand adorait ça car il aimait changer de décor pour penser à un autre film.
Il diffère de la bande dessinée notamment par le personnage de Marina (joué par Anaïs Demoustier), le fiancé du personnage principal (le jeune conseiller linguistique), qui est décrit plus en détail dans le film pour permettre l’imagination du conseiller (très difficile à traduire) au cinéma).
Dans son apprentissage cinématographique d’assistant de Jean-Pierre Melville, Bertrand Tavernier a appris, comme contre-modèle, «à éviter le climat de dureté, de terreur et d’humiliation que [Melville] a imposé au plateau». A tel point qu’au contraire, lui et Bertrand Tavernier ont dû régner dans un climat de convivialité et de détente, ce que confirme Christophe Blain: « Quand Tavernier se retourne, il plaisante tout le temps, fait des blagues, il chante … » .
Avec «Quai d’Orsay» Bertrand Tavernier a montré son grand art du cinéma, et contrairement à Gilles Renault dans sa critique de «Libération» du 5 novembre 2013, je trouve ce film bien plus intéressant et meilleur que le très ennuyeux film de Pierre Schoeller, «L’exercice de l’État» (publié le 26 octobre 2011), qui ne donne aucune question ni perspective de fond sur ce qu’est le pouvoir. A l’opposé du « Quai d’Orsay », comme le disait Sandy Gillet dans « Grand Ecran » du 5 novembre 2013: « drôle, brillant, intelligent et d’une rare précision ».
En l’honneur de Bertrand Tavernier, le film « Quai d’Orsay » sera à nouveau diffusé le dimanche 28 mars 2021 à partir de 21h sur la chaîne France 2. « L.627 » suit à 23 heures. Le même soir, la chaîne C8 diffuse «L’Horloger de Saint-Paul» à 21 heures. Le lendemain, lundi 29 mars 2021, France 5 programmera « Coup de Torchon » à 20h50, ce qui est prévu bien avant la mort du réalisateur. Aussi sur le blog. Sylvain Rakotoarison (25 mars 2021) http: //www.rakotoarison .eu (Les deux images proviennent de la bande dessinée « Quai d’Orsay » éditée par Dargaud).
Pour aller plus loin: Bertrand Tavernier. « Quai d’Orsay ». Liz Taylor, Annie Girardot, Fernandel, Simone Signoret, Jacques Villeret, Richard Berry, Omar Sy, Louis Seigner, Jean-Pierre Bacri, Jacques Marin, Robert Hossein, Michel Piccoli, Claude Brasseur, Jean-Louis Trintignant, Jean-Luc Godard, Michel Robin, Alain Delon, Alfred Hitchcock, Brigitte Bardot, Charlie Chaplin.

@ Séraphin Lampion Deux articles qui rendent hommage à un tel cinéaste, ce n’est pas de trop.

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«Seul le devoir envers les gens en tant que tels est éternel. «  »

Citation de la philosophe Simone Weil de son livre « L’Enracinement » (Ed. Gallimard), paru en 1949 après sa mort.

« La protestation peut être vive, le jugement sévère, mais à condition qu’un certain niveau intellectuel et moral soit respecté, ce qui ne fait que le rendre encore meilleur (…)

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