Corruption généralisée au Cameroun: le régime Biya en panne de stratégies

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Neuf ans après que le gouvernement a adopté la stratégie nationale de lutte contre ce fléau, la corruption sévit plus que jamais dans tous les domaines de la vie publique.

Enquêter sur une infection rampante. «La lutte contre la corruption au Cameroun a encore un long chemin à parcourir, car on estime que nous n’avons pas encore atteint la moyenne de 50%. Nous fluctuons entre 40 et 45% ». Ces propos, qui sonnent comme un aveu d’échec, viennent du président de la Commission nationale anti-corruption (Conac), le révérend Dieudonné Massi Gams, hier à l’occasion de la 17e journée internationale de lutte contre la corruption. Lui, qui a déclaré en juillet dernier que l’Etat du Cameroun avait perdu 1652 milliards de francs entre 2010 et 2020 à cause de la corruption. Un phénomène qui affecte gravement le développement économique du Cameroun et, selon les experts, coûte au pays plusieurs points de croissance annuels. Écoutez, le lendemain de son entrée au Bureau suprême le 6 novembre 1982, Paul Biya a prononcé de nombreux discours dénonçant le phénomène.

Au niveau institutionnel, les organisations et structures travaillent dur pour traquer cette pieuvre: Chambre des Comptes, Commission Nationale Anti-Corruption (Conac), Agence Nationale d’Investigation Financière (Anif), complétées par de nouvelles missions menées par le Contrôle Supérieur de l’Etat. Le pouvoir judiciaire s’est également adapté avec l’émergence de la Cour pénale spéciale. Flattés et convaincus que nous allions mettre fin aux pratiques douteuses et aux détournements de fonds, les Camerounais y ont cru. La glace! Après 38 ans au gouvernement de Paul Biya, le Cameroun n’a toujours pas obtenu de résultats concrets en termes de bonne gouvernance et de transparence, au mieux en raison d’un problème méthodologique, au pire par négligence ou par manque de fermeté. C’est sans aucun doute l’un des échecs majeurs du renouveau.

Corruption généralisée
En trente-huit ans de pouvoir incontesté de Paul Biya, la corruption fait rage et semble être répandue. Pour preuve, le Cameroun se classe 153e sur 180 pays dans l’Indice de perception de la corruption de Transparency International 2019, un statu quo par rapport à 2017. «Le Cameroun a déclaré la guerre au terrorisme. Cela devrait également être le cas de la corruption. Les deux sont liés au commerce informel et pèsent sur l’économie du pays. A cette vitesse, on court le risque de dériver vers un état mafieux « , prévient-il sous couvert d’anonymat en raison de sa position de membre du Comité central du Rdpc (parti au pouvoir). Le décret présidentiel du 11 mars 2006 portant création de la Commission nationale de lutte contre la corruption ( Conac) a donné à l’agence de lutte contre la corruption toute latitude pour enquêter sur les rapports et les soumettre à la présidence de la République. Ces bonnes intentions n’ont pas été appliquées. L’organe central de lutte contre la corruption au Cameroun n’a pas été en mesure d’agir efficacement « en raison d’un budget insuffisant », a-t-il déclaré. Dans les coulisses de la Conac, un responsable de l’institution a dénoncé aujourd’hui «l’administration qui nous a foirés car c’est là que réside le cœur de la corruption, notamment dans les marchés publics et autres».

Lois et institutions
Les institutions et les lois suffiront-elles à contenir le fléau? «La transparence est l’affaire de tous, à commencer par les parties qui ne publient pas leurs comptes et les dirigeants qui, malgré les obligations légales, ne font pas de déclaration patrimoniale», souligne l’avocat Jean Claude Atsa, qui regrette «l’absence ou l’inefficacité des contrôles, mais assure que « Nous sommes sur la bonne voie. Il y a un début et une prise de conscience. » En effet, des outils simples ne suffiront pas pour vaincre une culture de corruption et un système de liste de clients ancré mentalement. Chaque Camerounais peut, selon les circonstances, parfois sont dans la position des corrompus, parfois celle des corrompus, tandis que la société civile est en alerte.

Le Collectif des jeunes pour la paix et le développement durable du Cameroun (Cjp2dc), qui s’active dans la lutte contre la corruption depuis quelques années, devrait prendre part à partir de ce jeudi 10 décembre à Yaoundé, à une rencontre avec le Contrôle supérieur de l’Etat dans l’optique, apprend-on, « du renforcement de la promotion de la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques ». Mais les coups de gueule médiatiques des leaders de cette association ne suffisent pas à déclencher des procédures. Le Cjp2dc a eu beau dénoncer le népotisme et la corruption qui entachent les concours d’admission à la fonction publique, ainsi que ses emplois fictifs, rien n’y a fait.« L’impact de la corruption est énorme sur nos équilibres financiers, sans oublier que, de par son ampleur, c’est aussi un frein voire un repoussoir pour l’investissement étranger », regrette Michael Atanga, membre du directoire de l’association.

REF: 237online.com

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