Un réseau d’agents publics soutire 1 milliard au Trésor avec de ‘fausses décisions’ du Minfi

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Un réseau composé de fonctionnaires a utilisé les caisses de l’Etat pour forger une trentaine de décisions, signées par le ministre des Finances, autorisant le déblocage de sommes importantes à certains prestataires de services, au profit de ses membres, chef de l’administration. Les répondants répondent de leurs actions devant le TCS.
Au ministère des Finances (Minfi), les jours passent, y compris les scandales. Le scandale le plus récent, du moins celui dont le contrôle judiciaire vient de commencer devant le Tribunal pénal spécial (TCS), concerne cette fois le procès de onze fonctionnaires. Les inculpés, inconnus du public, sont recrutés dans diverses professions: administrateurs civils, infirmières, enseignants, professeurs de lycée, auxiliaires ou entrepreneurs administratifs. Avant leur détention en 2019 à la prison centrale de Yaoundé, la plupart étaient en service à Minfi et dans diverses autres administrations, y compris la Cour suprême.

Les personnes interrogées sont en effet invitées à commenter le prétendu détournement d’une somme d’un peu plus de 1,1 milliard de francs suisses. Ce montant aurait été versé à la masse salariale de la Trésorerie Générale au travers de décisions de paiement qualifiées de «frauduleuses» entre le 13 mars 2017 et le 16 octobre 2018, prétendument signées par le ministre des Finances. Vous seriez resté debout pendant l’enquête.

Vendredi dernier, 15 janvier, la première audience a porté uniquement sur des questions techniques telles que l’identification formelle des parties au litige et la constitution de leurs avocats. L’affaire sera de nouveau appelée le 10 février. C’est sans doute pour cette réunion que le tribunal portera les charges devant les prévenus et recueillera le choix de la défense de chacun.

En l’espèce, les faits étant résumés dans le rapport du juge d’instruction (ordonnance de renvoi), c’est un «licenciement anonyme» adressé au procureur du TCS qui a mis le feu à la poudre. La dénonciation alléguée a pointé cette autorité sur l’existence d’un «réseau de détournements de biens publics au sein du ministère (vos finances»), dont les dommages à l’État ont été «résumés» estimés à plus d’un milliard de francs suisses. L’informateur avait joint trois décisions de paiement critiquées à sa dénonciation « à des fins d’illustration ».

Baume Patricia

Ces trois décisions, attribuées au trésorier national, ont approuvé le déblocage de sommes d’argent comprises entre 34 et 60 millions de francs suisses en faveur de Mireille Chantal Bella, une enseignante en service au lycée Ngoulmakong au moment des faits. Moïse Membi et Line Irène Atangana Essama (Inspecteur régional de l’éducation), tous des professeurs d’université en poste à Mbalmayo et Ebolowa au moment de l’affaire.

L’enquête sur cette allégation a permis de déterminer que le réseau exposé avait bien réussi à approuver la somme au centre du processus à l’aide de 35 mauvaises décisions du ministre des Finances autorisant le décaissement de fonds à la pairie générale des Ministère des finances.

Concernant la procédure, le parquet déclare que les voyous présumés ont falsifié les «décisions originales» dûment signées par le ministre (vos finances autorisent le déblocage (vos fonds en faveur de certains fonctionnaires, responsables administratifs). Ou des prestataires de services pour diverses raisons les «numéros de référence» mentionnés dans ces «décisions originales» (notamment le numéro de commande, le montant à payer, le nom du bénéficiaire, parfois le visa) ont été fréquemment modifiés par les fraudeurs.

Par exemple, le 1er juin 2018, le ministre des Finances a approuvé le versement de CHF 26,3 millions en faveur de la société PB Com International, dont la marraine est Patricia Balme, connue comme conseillère en communication de Paul Biya, le chef de l’Etat, pour «un service en faveur de Présidence de la République ». Cependant, le réseau a remplacé le nom du bénéficiaire par celui d’Annie Martiale Ekomo, une infirmière travaillant à Ambam.

Une autre décision, signée le même jour, approuve le versement de 263,5 millions de francs en faveur de M. Dewa Abdoul Raoufl « dans le cadre du plan d’urgence triennal pour accélérer la croissance ». Pour cette affaire, le réseau a enregistré le nom d’Anne Guylène Beng Ava, greffière adjointe à la Cour suprême, comme bénéficiaire du montant sous-évalué inférieur à CHF 20,5 millions.

« Transporteur neutre »

Concernant le circuit emprunté par les dossiers litigieux, l’accusation indique que toutes le£ décisions à problème ont fait l’objet d’un traitement à la direction générale du Budget (DGB) du Minfi. D’abord, ils étaient enregistrés et engagés au service de la gestion des crédits communs alors dirigé par l’administrateur civil Awono Ebundou Vincent de Paul dont le «cachet nominatif et la signature sont portés sur la liasse de paiement» querellé. Ce dernier clame son innocence expliquant que tous ces dossiers lui ont. été cotés par sa hiérarchie. Lesdits dossiers faisaient ensuite l’objet d’un «traitement informatique» par André Ela Obiang, cadre d’appui au service du contrôle des engagements comptables de la sous-direction du contrôle financier.

M. Ela Obiang et Serge Bertrand Fombi, agent temporaire à la DGB, sont présentés comme les cerveaux’ du réseau. Ils avouent avoir recruté un certains nombre d’agents publics appelés «porteurs neutres» pour percevoir les frais de missions et d’autres bons. Les recrues avaient droit aux quotes-parts des sommes décaissés. Le juge d’instruction affirme que les mis en cause identifiés sont, passés aux aveux complets à l’exception de M. Awono Ebundou et Mme Beng Ava. Les débats permettront d’en savoir davantage.

En revanche, trois personnes qui auraient également joué un rôle important dans les faits décriés ont été mis hors de cause faute de de leur identification. Il s’agit de Denis Nkomo, Jerry Yacinthe Mimbuï Atangan et Jean Jacques Perry ondoua. Tous sont déclarés en fuite.

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