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Coups d’État en Afrique de l’Ouest : une redistribution des cartes politiques

Quelles sont les implications politiques et sous-régionales des coups d’État de 2021 en Afrique de l’Ouest ? Le Mali, la Guinée Conakry et le Tchad sont au cœur de transitions politiques complexes, sous la pression des institutions régionales qui veulent aussi garder le contrôle.

L’Afrique de l’Ouest a toujours été marquée par le renversement de régime, mais cette année nous avons vu l’émergence de deux « familles » de coups d’État, distinction qui n’a fait qu’exacerber les tensions politiques dans les banlieues. Avec ou sans armes : c’est schématiquement la distinction que font les États et les institutions.

D’une part, on assiste à l’acceptation d’un coup d’État institutionnel, tenant au pouvoir une lignée, comme celle de la famille de feu Idriss Déby Itno au Tchad. D’autre part, le rejet des coups d’État militaires, tels que au Mali en août 2020 qu’en mai dernier et début septembre en Guinée.

Début décembre, quand du Sommet Paix et Sécurité de Dakar, le président Macky Sall, comme l’avait fait avant lui le chef de l’Etat français Emmanuel Macron, a fait à nouveau cette distinction, citant uniquement le Mali et la Guinée : « En Afrique de l’Ouest, nous avons deux pays qui ont été touchés, le Mali et la Guinée. Nous ne pouvons pas permettre aux militaires de prendre le pouvoir par la force. Nous sommes dans une démocratie, le pouvoir se gagne par les élections. « 

Des habitants encouragent les soldats de l'armée alors qu'ils célèbrent le soulèvement à Conakry, en Guinée, le 5 septembre 2021.

Des habitants encouragent les soldats de l’armée alors qu’ils célèbrent le soulèvement à Conakry, en Guinée, le 5 septembre 2021. © REUTERS / Souleymane Camara

Même si Macky Sall et ses collègues ne le reconnaissent pas, ces coups d’État au Tchad, au Mali et en Guinée sont principalement le résultat de dérives politiques : volonté de rester au pouvoir, l’État au service d’un clan ou encore les violations des droits humains. .

Pour Alioune Tine, ancien patron d’Amnesty International en Afrique de l’Ouest et fondateur du think tank AfrikaJom Center, les putschs se sont multipliés alors que la CEDEAO a été fragilisée par ces dérives répétées des dirigeants.  » Les coups sont le résultat de dysfonctionnements graves et en réalité le coup est une sorte de thérapie, mais c’est une fausse thérapie. Cela révèle une chose, c’est l’effondrement des mécanismes de régulation des tensions politiques à la CEDEAO. La CEDEAO s’est pratiquement effondrée, le leadership est assuré par des pays qui ne sont pas démocratiques. La politique n’a plus de sens et quand l’armée arrive les gens applaudissent « , il explique.

De l’élite politique à l’élite militaire

Ce que ces putschs ont en commun, c’est que les leaders des transitions politiques sont des officiers supérieurs de l’armée qui refusent de se soumettre. Mahamat Idriss Deby Itno au Tchad était responsable de la sécurité du palais présidentiel. Assimi Goita au Mali et Mamadi Doumbouya en Guinée étaient tous deux à la tête des forces spéciales. Trois dirigeants présidentiels autoproclamés qui ont fait le choix stratégique de dissoudre les institutions, bloquant efficacement tout contrecoup.

Faiblesse des institutions locales, perte d’influence de la France, faiblesse aussi de la CEDEAO et de l’Union africaine, tous ces éléments ont permis à ces militaires de s’imposer jour après jour, estime Ibrahima Kane, observateur et militant sénégalais des droits humains.  » Nous sommes dans des sociétés en pleine désintégration. Il n’y a plus de structures capables de jouer le rôle que jouait la société civile dans le passé. Et cela permet à ces soldats de surfer, d’élaborer des stratégies, d’aller dans des directions qui sont les leurs et non celles des gens. Aujourd’hui, à part ces soldats, il n’y a absolument rien », analyse-t-il.

Des soldats de l'armée malienne du CNSP lors d'une manifestation en l'honneur du coup d'État sur la place de l'Indépendance au Mali, à Bamako, le 21 août 2020.

Des soldats de l’armée malienne du CNSP lors d’une manifestation en l’honneur du coup d’État sur la place de l’Indépendance au Mali, à Bamako, le 21 août 2020. REUTERS / Mamadou Keïta

Alioune Tine va dans le même sens. Il estime que ces coups d’État répétés en 2021, avec des dirigeants de transition refusant de respecter les codes constitutionnels, notamment les calendriers d’organisation des élections, sont un des signes et aussi une conséquence directe des systèmes démocratiques à bout de souffle en Afrique de l’Ouest.  » Nous vivons toujours l’une des périodes historiques postcoloniales les plus sombres de l’espace Cédéao. Et il me semble qu’il faut repenser les démocraties en Afrique de l’Ouest, repenser la gouvernance et la géopolitique. « , Selon lui.

Début janvier, Macky Sall prend la tête de l’Union africaine. Très critique vis-à-vis de ces putschs, il sera intéressant de voir si le président sénégalais, qui refuse de son côté de dire s’il briguera ou non un troisième mandat, poussera ou bousculera les leaders des transitions en force au Mali et en Guinée. , mais aussi le Tchad, d’organiser au plus vite les élections présidentielles.

► À écouter aussi : Alioune Tine : « En Afrique, des coups d’État militaires, symptômes de dysfonctionnement démocratique »

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